ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) Brique et pierre
Les origines de l'architecture « brique et pierre »
La brique est un matériau très ancien, fait à partir d'argile, que les hommes utilisèrent d'abord crue, séchée au soleil ; c'est elle que Vitruve loue dans son Traité. Mais la brique cuite était déjà connue dans l'Antiquité, et son emploi était même généralisé dans tout l'Empire romain à partir du iie siècle. La porte des Horrea Epagathiana à Ostie en est un exemple significatif. En France, les murs des thermes de Cimiez, de Cluny à Paris se composent de bandes de pierre horizontales qui alternent régulièrement avec des arases ou rangées de briques plates. La façade de la cathédrale carolingienne de la Basse-Œuvre à Beauvais est ainsi appareillée. Ces murs sont les ancêtres de l'appareil dit « en lits alternés » du xviie siècle, composé d'une assise de pierres pour trois assises de briques et les premiers exemples d'une alliance de la brique et de la pierre, bien qu'il soit exclu de parler à leur propos d'architecture brique et pierre au sens de la définition d'Aviler.
Il en est de même à la forteresse de Rambures (Somme), construite entre 1440 et 1470. Ses quatre tours sur plan tréflé sont en brique couronnées par la masse de craie blanche de la galerie du chemin de ronde en encorbellement sur les mâchicoulis. C'est donc la brique qui constitue la masse des murs de cette imposante construction et la pierre qui joue le rôle décoratif ; c'est elle qui anime, grâce à l'éclat de sa blancheur, les hauts murs rouges qui sans elle ne seraient que sombre forteresse ; ensemble parachevé par le gris bleuté des hauts toits d'ardoise en poivrière. Il s'agit là d'un effet polychrome jusqu'alors inconnu dans l'architecture militaire. D'autres forteresses : la tour du Castillet à Perpignan, dès 1368, la tour dite « bourguignonne » de Duurstède près d'Utrecht aux Pays-Bas en 1456-1459 sont construites en brique, mais leur sommet n'est pas couronné par une belle ligne de pierre blanche. Faut-il en conclure que Rambures est un exemple unique ? Qu'il n'a pas existé d'autres châteaux forts où la pierre ait été associée à la brique dans un réel souci d'esthétique ? L'examen des manuscrits enluminés de l'époque permet de répondre, en partie, à ces interrogations. Chroniques historiques, livres d'heures, calendriers consacrés aux scènes de la vie courtoise, aux occupations à la campagne comportent, dans les parties supérieures de leurs miniatures, des représentations toujours très précises du château fort ou de la ville fortifiée. Dans les Chroniques de Jehan Froissart en 1461-1467, dans la Geste ou Histoire du noble roi Alexandre de Macédoine en 1448 se succèdent, de page en page, murs d'enceintes, tours rondes ou carrées, châtelets d'entrée peints en rouge qui côtoient d'autres murs, d'autres tours blanches ou grises celles-là, révélant à l'évidence des procédés répétitifs. Cependant, s'il n'est pas possible de déceler dans ces représentations pour la plupart fictives un réel souci d'exactitude, il est indéniable que l'enlumineur a désiré exprimer, par cette alternance blanche et rouge, une vision qui lui était familière et qu'il a voulu représenter ainsi une différence de matériaux : blanc et gris pour la pierre, rouge pour la brique ; de nombreux détails constituent de véritables relevés d'architecture : beaux appareillages en épi, en lits alternés et même courtines et tours en brique avec soubassements et mâchicoulis de pierre peints avec une extrême précision. Ces derniers exemples sont à l'image même de Rambures.
Nous découvrons aussi dans ces deux ouvrages ainsi que dans le Livre de prière de Philippe le Bon peint vers 1461-1467, dans le Roman de[...]
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Écrit par
- Josiane SARTRE : docteur en histoire de l'art, conservateur à la Bibliothèque des arts décoratifs
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