ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) Brique et pierre
L'épanouissement du style « brique et pierre » à la Renaissance
15 28 marque une rupture dans l'histoire de l'architecture polychrome française. À cette date commençaient à Fontainebleau les travaux de l'aile septentrionale de la cour du Cheval blanc : murs de pierre non appareillée couverts d'un enduit et ossature de brique, parti inverse du « brique et pierre », employé pour la première fois à notre connaissance en France et que nous appellerons le style « moellon et brique ».
Il a été souvent noté que le maître maçon Gilles Le Breton à Fontainebleau n'avait eu que le rôle d'un exécutant. Certes, l'introduction de pilastres d'ordre monumental, le dessin des lucarnes, peut-être inspiré de celui des fenêtres de la Scuola di San Marco de Venise, l'enduit sur les murs de moellon, la mise en œuvre nouvelle de la brique paraissent bien être le fruit d'une inspiration provoquée par le côtoiement journalier des artistes italiens qui travaillaient sur le chantier de la demeure royale. En revanche, il semble probable que c'est à Le Breton seul que nous devons cette alliance du moellon crépi et de la brique dans laquelle la couleur rouge se détache sur un fond ocre.
Le maître maçon a su tout à la fois adapter les techniques de mise en œuvre des matériaux venues d'Italie, renouveler le répertoire des formes et rompre avec la tradition brique et pierre des pays de Loire que la cour, à la suite de François Ier, venait de quitter. Il a créé un style nouveau, français, fondé lui aussi sur les oppositions de couleur. Le style « moellon et brique » fera école à Saint-Germain et à Challuau en 1539, à La Muette en 1541, et durant deux décennies aucune construction brique et pierre ne sera élevée sur le sol d'Île-de-France. Au cours des années 1550, les deux manières se côtoieront au château de Fleury-en-Bière ; le brique et pierre étant choisi pour le château, le moellon et brique étant réservé aux communs et au mur d'enceinte de l'avant-cour. Ces derniers déconcertent par le rythme de leurs fausses arcades séparées par les pilastres, par les volutes affrontées qui couronnent le mur d'enceinte et par les C entrelacés, initiales du propriétaire Cosme Clausse, l'ensemble dessiné en brique sur le fond du mur en crépi. Dans l'aile basse, qui seule subsiste du château, bien que la structure soit identique à celle des manoirs gothiques (mur de brique et parties vives en pierre), la rupture avec le passé est néanmoins sensible car l'ornement sculpté a totalement disparu. Les chaînages en harpe qui ne s'effacent plus, comme dans l'architecture gothique ou de la Première Renaissance, derrière les moulurations des pieds-droits des fenêtres à meneaux ont enfin leur autonomie propre et constituent le seul décor de la façade. À la façade ouest du château de Vallery (Yonne), qui date lui aussi des années 1550, c'est le triomphe du bossage rustique en harpe. Aux deux travées de la façade est, des chaînages en harpe sans aucun relief encadrent les fenêtres et les panneaux d'ardoise du rez-de-chaussée et, à l'étage, la niche qui à l'origine abritait une statue. C'est l'un des premiers exemples d'une interprétation française de l'ordre italien : une chaîne de pierre harpée montant de fond en comble, dénommée aussi rustique français, à la place d'un pilastre ou d'une colonne. Cette composition est probablement due à l'architecte Pierre Lescot ; en s'inspirant très librement des modèles proposés par le théoricien italien Sebastiano Serlio dans ses Livres d'architecture, Lescot a joué un rôle capital dans l'élaboration du style brique et pierre classique dont les châteaux de Courances (Essonne, 1550) et de Rosny (Yvelines, 1595), le logis des abbés de Saint-Germain-des-Prés[...]
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Écrit par
- Josiane SARTRE : docteur en histoire de l'art, conservateur à la Bibliothèque des arts décoratifs
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