ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) Brique et pierre
Les prolongements à l'âge classique
Lorsque Henri IV achève en 1606 les travaux de Fontainebleau, c'est le style moellon et brique qu'il choisit pour la cour des Offices et c'est le style brique et pierre qu'il impose à Paris pour les places royales, la place des Vosges en 1605 et la place Dauphine en 1607. À Charleville, fondée le 23 avril 1608, Charles de Gonzagues, duc de Nevers, choisit le parti brique et pierre et un programme très proche de celui de la place des Vosges pour la place ducale. Quant à Sully, il fera sien le parti moellon et brique pour la ville d'Henrichemont qu'il fonde le 24 décembre 1608. Nous voici au seuil du règne de Louis XIII qui a donné son nom aux constructions polychromes. Il est vrai que lui aussi a choisi l'harmonie rouge et blanche pour Versailles qui n'était à l'origine en 1624 qu'un simple pavillon de chasse, agrandi dès 1631. Versailles est situé dans cette région du Mantois où s'élevèrent cinquante ans plus tôt les petits châteaux issus des dessins de Du Cerceau. Il ne faut donc pas le considérer comme étant à l'origine du style mais bien comme l'ultime jalon d'une chaîne commencée au xve siècle et dont les normes se fixèrent durant les années 1580. De nombreux châteaux suivront : Balleroy, œuvre de François Mansart en 1625-1626 où le schiste rouge local qui remplace la brique marque bien le choix esthétique de l'architecte. En Picardie s'élèveront Vauchelles-les-Domart, Wailly, Hénencourt, Frucourt, Ribeaucourt dans les années 1630-1640. En Normandie, ce sont le Grand Daubeuf en 1629, Beaumesnil en 1633-1640, Cany-Barville, Miromesnil... Vers 1638, c'est aussi la brique et la pierre que choisit Pierre Le Muet pour le château de Pont-en-Champagne.
À Vaux, le premier projet de Louis Le Vau, rejeté par Fouquet, était brique et pierre ; le second, identique mais tout en pierre, détermina Louis XIV à agrandir Versailles. Le roi pourtant s'opposera à la destruction du château vieux, la petite demeure des champs de son père, lequel sera englobé dans l'enveloppe conçue par Le Vau. Ainsi s'opposent les façades brique et pierre côté cour et la longue façade au toit en terrasse, toute en pierre, côté jardin, comme si le roi avait eu le désir de rattacher son palais aux grandes entreprises royales des siècles précédents : au Blois de Louis XII, à Saint-Germain et à Fontainebleau construits à l'initiative de François Ier, à Charleval, aux réalisations d'Henri IV à Fontainebleau. Versailles est la dernière grande entreprise polychrome de l'architecture française, mais le style, dont le déclin s'était amorcé dès les années 1630 en Île-de-France, ne disparaît cependant pas totalement. Deux châteaux en particulier retiennent l'attention parce qu'ils sont l'œuvre de Jules Hardouin-Mansart. Il s'agit de Dampierre dans la vallée de Chevreuse et de Boufflers dans l'Oise. Le premier fut construit vers 1675 en moellon et brique ; du second, il ne reste que les planches gravées ainsi que les dessins aquarellés du projet de 1695 qui révèlent des façades brique et pierre. À Fontainebleau, en 1737, les Gabriel père et fils reprendront le parti brique et pierre dans l'aile élevée sur l'emplacement de la galerie d'Ulysse, et Mathieu Le Carpentier prolongera tardivement la tradition : moellon et brique à Courteilles (Eure) en 1754, brique et pierre à la Ferté-Vidame (Eure-et-Loir) en 1764-1767 pour le marquis de Laborde.
Le goût pour l'harmonie rouge et blanche persista durant tout le xviiie siècle en Picardie. Et cette architecture qui n'aurait pu être que le simple prolongement d'un style devait témoigner d'une réelle originalité à Dompierre-sur-Authie, à Arry, mais plus encore à Long, à Brailly-Cornehotte et à la folie Bagatelle à Abbeville.[...]
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Écrit par
- Josiane SARTRE : docteur en histoire de l'art, conservateur à la Bibliothèque des arts décoratifs
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