ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) Fer et fonte
Les premières utilisations du fer
Le monde gréco-romain fut le premier à bénéficier de la métallurgie du fer, développée en Asie Mineure dès la fin du second millénaire. L'épanouissement de l'art grec est lié à l'emploi de l'outillage en fer. Son architecture, en blocs de pierre posés à joints vifs, est entièrement liaisonnée par des crampons ou des goujons de métal. Lorsqu'une portée exceptionnelle exige de faire reposer une poutre sur le milieu d'une architrave, une semelle de fer vient assurer la répartition de la charge. Les Propylées offrent l'exemple d'une telle semelle longue de 1,80 m. Le système de concrétion lourde de l'architecture impériale romaine ne comporte pas d'armatures métalliques ; mais, lorsqu'il tend à s'alléger dans les structures en coques des Byzantins et des musulmans, des tirants de fer annulent les poussées.
En Occident, lorsque l'architecture gothique tend à n'être plus qu'une ossature, on doit faire appel de plus en plus largement au fer pour assurer le chaînage des édifices et pour former l'armature des immenses verrières. L'exemple de la Sainte-Chapelle de Paris est caractéristique : une chaîne continue ceinture tout l'édifice sur trois niveaux. Lorsqu'à la simplicité rationnelle du xiiie siècle succéderont les virtuosités de l'art flamboyant, certaines utilisations du fer en architecture deviendront abusives. À la Renaissance, un emploi restreint aurait dû être la conséquence du retour à des structures plus statiques ; mais, en Italie, pays de séismes, on dut recourir au fer pour chaîner les édifices. Les nefs des grandes églises, les loggiae en plein air, sont encombrées de tirants ; les coupoles sont ceinturées de fer (telles celles de Saint-Marc de Venise, restaurées en 1523 par Sansovino). À Saint-Pierre de Rome, Michel-Ange avait prévu d'incorporer à la coupole, exécutée dans le dernier quart du xvie siècle, une grille de métal qui ne put supporter les poussées engendrées par l'énorme masse de pierre. Pour en conjurer la ruine, il fut nécessaire, au milieu du xviiie siècle, de la renforcer par six cercles de fer d'un poids total de cinquante tonnes.
À la même époque, l'emploi des chaînes et des ancrages est devenu à peu près général dans les édifices urbains ; certaines constructions exceptionnelles ont permis d'expérimenter des systèmes complexes d'armatures. Claude Perrault à la colonnade du Louvre, Ange-Jacques Gabriel à celle du GardeMeuble, terminée en 1756, supprimèrent les poussées engendrées par les caissons et les architraves en armant les colonnes de tiges axiales, réunies par des tirants croisés.
À Paris, au portail de Saint-Sulpice, les architraves en plates-bandes appareillées sont soulagées par des fermettes en fer forgé, dont le profil est déjà celui d'un arc d'égale résistance. Un siècle plus tard, l'armature de la première poutre Monier, en béton armé, aura un profil équivalent. La comparaison se justifie d'autant mieux qu'il s'agit, dans ce portail, d'un véritable cas de pierre armée et non plus de maçonnerie chaînée.
On pourrait appliquer ce terme, avec plus de rigueur encore, au portail de l'église Sainte-Geneviève, devenue le Panthéon. Ce n'est plus un appareil de pierre consolidé, mais une véritable structure de métal plaquée de pierre. Ces colonnades, dont on a souvent dénoncé l'inutilité, ont été, bien avant les ponts, le premier banc d'essai de la nouvelle architecture.
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Écrit par
- Henri POUPÉE : maître assistant au Conservatoire national des arts et métiers (techniques de construction)
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