ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) Fer et fonte
Les ponts métalliques
On avait, en effet, songé, dès le xviiie siècle, au fer pour augmenter la portée des ponts ; mais le fer forgé était coûteux et fit échouer la tentative de Garin à Lyon, en 1755. Seule la fonte, par son bas prix et la simplicité de son moulage, pouvait permettre de découvrir rapidement les propriétés du métal. C'est donc en fonte que A. Darby réalise, en 1773-1779, le premier pont métallique, à proximité de sa fonderie de Coalbrookdale (Grande-Bretagne). L'arche centrale, d'une portée de 30 m, travaillait comme un arc en fer forgé. Ce sera encore le cas du pont des Arts, construit à Paris en 1803 par L. de Cessart et J. Dillon. Mais, très vite, on conçut une combinaison de prismes creux où la fonte travaillait en compression. Ce procédé permit d'atteindre une portée de 72 m au pont de Sunderland (1793-1796, Grande-Bretagne), soit le double des possibilités d'une arche en pierre.
À la même date, la production accrue de fer, forgé en barres ou en chaînes, va permettre de développer la construction des ponts suspendus. Leur conception, inspirée des ponts-levis, est ancienne (Verantius, 1617). La possibilité de construire ces ponts rapidement et sans cintre explique, en dépit des accidents dus aux vibrations et surtout au vent, leur prodigieux succès aux États-Unis (où le premier pont de ce type fut construit en 1796), en Angleterre, en France (où est mise au point la technique des câbles par Marc Seguin au pont de Tournon, en 1822). Des portées considérables sont atteintes : plus de 200 m au pont de Fribourg (1837), 250 m à celui du Niagara (1855). Et, en 1887, le pont de New York, en acier, atteindra les 500 m.
Simultanément on parvient à déterminer la meilleure répartition du métal dans une poutre : deux tables ou ailes, réunies par une âme verticale, unique dans la poutre en I, dédoublée dans la poutre tubulaire. Cette dernière est appliquée par Robert Stephenson au pont Britannia, sur le détroit de Menai, en 1846-1850, où les deux travées centrales ont 140 m de portée chacune. Le tube, encore à parois pleines dans ce pont, subira plusieurs transformations : éléments rivetés en treillis, profil courbe, dit « d'égale résistance », articulation sur galets ou rotules pour compenser les effets de la dilatation.
Grâce au développement des transports ferroviaires, les ponts en tôle de fer, puis d'acier, vont envahir le paysage, imposer des structures hors d'échelle où tout est sacrifié au calcul.
Parmi l'infinie variété des ponts de la seconde moitié du xixe siècle, citons ceux de Gustave Eiffel. Cet ingénieur a toujours tenu compte des effets du vent ; aussi se refuse-t-il à faire appel au pont suspendu. Pour ses viaducs célèbres du Douro (Portugal) et de Garabit (France), d'une portée de 160 m, il utilise un dispositif de piles et d'arcs indéformables, travaillant en compression à la façon des pylônes. Pour l'Exposition de 1889, à Paris, il fait appel au même procédé, poussé aux limites de l'emploi du fer puddlé : la tour Eiffel est un pylône culminant à 300 m qui enjambe de ses quatre piles, comme un arc triomphal, la perspective du Champ-de-Mars.
Cependant, le système d'arc à trois articulations, adopté pour la galerie des Machines, va s'imposer. D'abord avec Paul Bodin, qui l'associe au « cantilever » (utilisé par les Écossais sur le Forth dès 1882) pour le pont du Viaur (1889 ; 220 m de portée) ; puis avec Jean Résal, qui va tenter d'intégrer le métal au décor urbain, au pont Mirabeau (1895), puis au pont Alexandre III, réalisé en acier coulé, avec une arche biaise de 107 m, pour l'Exposition de 1900.
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Écrit par
- Henri POUPÉE : maître assistant au Conservatoire national des arts et métiers (techniques de construction)
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