ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) Fer et fonte
Les espaces couverts
Un pont n'a d'autre but que de soutenir une portion de voie à l'aide d'une poutre ou d'un arc ; et le métal, à lui seul, peut remplir ce rôle. Il en va tout autrement de la couverture d'un espace ; les fonctions se diversifient, et l'ossature de fer doit se compléter d'une enveloppe isolante posant de délicats problèmes de jonction.
C'est curieusement à la crainte des incendies qu'il faut attribuer les premières structures métalliques. Au xviiie siècle, on imagine, pour se protéger du feu, des combles et planchers en briques, puis en fer hourdé de poteries. L'application, assez ostentatoire, du fer forgé, par Victor Louis, au comble du Théâtre-Français, en 1786, sera généralisée ; le salon carré du Louvre ou la Bourse auront aussi leur comble métallique, si coûteux soit-il.
En Angleterre, le problème de l'encombrement s'ajoute à celui de la sécurité pour faire abandonner les structures en bois, dans les filatures, au profit d'éléments en fonte, d'abord pour les points d'appui, bientôt pour les poutres et solives des planchers. Ce sera même là le banc d'essai qui permettra la mise au point du profil en I, en fonte, puis en fer laminé. Les fers à planchers et les poutres en tôle vont peu à peu remplacer tout ce qui, jadis, était en bois. Il n'est pas exagéré de dire qu'à la fin du siècle, sous les façades « de style historique », il y aura presque autant de fer que de maçonnerie.
C'est encore la crainte du feu qui a fait songer, après l'incendie de 1802, à remplacer la coupole en bois de la halle aux blés par une autre, en fonte, réalisée par l'architecte Bellanger et l'ingénieur Brunet en 1809-1811. Pour la première fois, on couvrait en métal un espace de la dimension du Panthéon romain. Les auteurs de cette coupole firent preuve d'une telle compréhension des propriétés de la matière et d'une telle habileté dans les assemblages que les techniciens avouaient, près d'un siècle plus tard, ne pouvoir faire mieux : ce premier monument de l'architecture moderne, réemployé pour la Bourse du commerce, existe toujours.
Après ce chef-d'œuvre, la couverture des « passages » peut sembler mineure ; leur rôle pourtant n'a pas été négligeable. La galerie la plus connue, antérieure à celles de Bruxelles, de Milan ou de Moscou, a été celle du Palais-Royal à Paris, où Fontaine, en 1829-1833, établit un plafond bombé entièrement transparent. L'intérêt n'en est pas structural, mais plastique ; ces œuvres annoncent la disparition du volume fermé, seulement éclairé par des baies. Les serres du Muséum d'histoire naturelle, construites peu après par Charles Rohault de Fleury, achèvent cette évolution en faisant disparaître toute enveloppe de pierre. Ce n'est donc pas un hasard si le premier pavillon d'une exposition universelle est dû à un jardinier. Le Crystal Palace, à Londres, monté en six mois par Joseph Paxton, en 1851, n'était qu'une immense serre préfabriquée ; bel exemple de coordination, puisque ses éléments venaient de plusieurs usines.
Les gares, avec leurs halles vitrées entourées de bâtiments administratifs, posent des problèmes du même ordre. Grâce à une charpente à la Philibert Delorme, on avait atteint 32 m de portée à King's Cross (Londres, 1851) ; mais les planches, rongées par les vapeurs sulfureuses, durent être supprimées. Aussi le fer remplaça-t-il bientôt le bois ; en France notamment, avec la ferme Polonceau, d'abord en fer et bois, puis en fer et fonte. Mais son aspect filiforme, arachnéen, fit rechercher diverses variantes, plus esthétiques.
L'architecte Duquesney donna une forme de voûte à la gare de l'Est (1847-1852) en combinant le système Polonceau avec des poutres en arc d'une portée[...]
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Écrit par
- Henri POUPÉE : maître assistant au Conservatoire national des arts et métiers (techniques de construction)
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