ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) Plastique
Il est devenu banal de souligner, à propos de l'« architecture en plastique », que, bien qu'on en parle beaucoup, les réalisations de ce type sont rares et en restent au stade expérimental.
Au contraire, les statistiques relatives à la construction mettent en évidence une grande progression dans l'emploi des plastiques.
Il est clair que l'expression « architecture en plastique » ne fait pas allusion à la quantité de ce matériau utilisée, mais à un certain type d'architecture lié aux caractéristiques particulières du plastique et à toutes les relations imaginaires qu'un matériau nouveau entretient avec les signes de la modernité. Le mot « architecture », en effet, renvoie à deux réalités bien distinctes : d'une part, la construction, c'est-à-dire les modalités techniques selon lesquelles sont édifiés les bâtiments, et, d'autre part, ce que l'on appelle habituellement l'architecture, c'est-à-dire le référentiel esthétique général qui permet de situer la construction dans la catégorie des productions artistiques et de l'articuler sur une pratique sociale.
Dans la société industrielle moderne, cette confusion entre technique de construction et catégorie de l'esthétique est loin d'être innocente et paraît particulièrement significative en ce qui concerne l'« architecture en plastique ».
Il semble que, lorsqu'on évoque l'architecture en plastique, on entende, et c'est une attitude relativement nouvelle, que la totalité du bâtiment est constituée de plastique. Ce matériau polymorphe qui peut être à la fois souple et dur, opaque, transparent ou translucide, qui est mauvais conducteur du bruit et de la chaleur, se substitue en quelque sorte à tous les autres matériaux, dans l'imaginaire et, potentiellement, dans la réalité. Mais cette universalité le trahit ; à pouvoir tout faire il devient suspect, on s'en méfie ! Il est maintenant associé à la vulgarité de ses utilisations banales. Et, paradoxalement, cette souplesse d'emploi, cette diffusion populaire du plastique constitue un obstacle majeur à son entrée dans cette catégorie noble de l'art : l'architecture. Dans sa nouveauté, il s'inscrit à la fois comme signe de la modernité la plus avancée et comme indice de la décadence de l'esthétique moderne (« mauvais goût » et « camelote »). Il existerait donc une architecture de « camelote » en contradiction fondamentale avec l'immutabilité des valeurs culturelles que sous-entend le mot « architecture ». À partir de cette contradiction entre modernité et culture s'organise une certaine utilisation des plastiques dans la construction.
À partir du découpage traditionnel entre gros œuvre (infrastructure) et second œuvre (superstructure) des bâtiments, on peut établir une histoire de l'utilisation des plastiques. Tandis que dans le second œuvre ce matériau est largement utilisé : tuyauterie, gouttières et chéneaux, étanchéités, joints, revêtements de sol, panneaux de façade, équipement électrique et même mobilier et équipement sanitaire incorporés, dans le gros œuvre on n'a affaire pour l'instant qu'à des applications expérimentales qui mettent à profit ses qualités propres : coques moulées, éléments structurels combinables. Dans ce type de construction, la séparation entre ce qui ressortit au second œuvre et ce qui constitue l'infrastructure tend à disparaître par la possibilité que l'on a de combiner des éléments modulaires où tout serait incorporé. C'est probablement ce modèle théorique de la maison préfabriquée conçue d'une seule pièce et livrée toute faite, phantasme ultime de la toute-puissance créatrice de l'architecte, qui représente le facteur de « libération » le plus sérieux de la construction en plastique. L'architecture[...]
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Écrit par
- Hubert TONKA : assistant associé à l'institut d'urbanisme de Paris
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