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ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) Plastique

L'économie esthétique des plastiques

Les plastiques apparurent très tardivement dans l'art. Leur usage courant, en dehors de quelques utilisations techniques précises, en faisait un matériau à la fois trop connu et étrange. Étrange, parce qu'au-delà de son apparence familière sa mise en œuvre est complexe ; elle fait appel à une chimie mystérieuse. Mais le résultat ne montre rien de la poésie de la fabrication. Ce matériau, on le voudrait bouleversant alors qu'il s'exhibe dans les objets les plus triviaux de la vie domestique. C'est cette ambiguïté où interfèrent plusieurs niveaux de réalité, plus que les prétendues solutions techniques qu'on leur prête, qui fait tout l'intérêt des plastiques.

L'emploi de matériaux nouveaux participe de l'économie esthétique, laquelle s'articule directement sur la production culturelle du passé, et se trouve bâtie sur l'extériorisation de la création par rapport à la commande sociale ; les matériaux sur lesquels elle travaille constituent une référence générale qui va du Parthénon à Brasília. Dans la reconnaissance de cette parenté s'exprime l'arrachement de l'œuvre à son procès social. Dans cette extranéité l'œuvre devient, contradictoirement, utile, elle entre dans le circuit des relations sociales. Le travail de l'économie esthétique est ainsi de réarticuler des ensembles anciens de signes avec des formes nouvelles. Les matériaux ne sont pas seulement la matière brute du passé, mais aussi l'immense magma d'« art brutal » que constituent les résidus formels de la production des marchandises, les marchandises elles-mêmes. Ces matériaux de base passent par un procès de production esthétique qui comporte comme instrument de fabrication aussi bien l'artiste que les mass media, aussi bien l'œuvre que le discours que l'on tient à son sujet.

C'est sur une infrastructure que l'économie esthétique articule la perception du temps et de l'espace. Il est bien clair que le matériau plastique est le résultat d'un double procès techno-scientifique et industriel. La perception que nous en avons, le potentiel de création que nous y voyons dépendent plus de sa condition industrielle que de sa nature scientifique, mais son expression de modernité vient plus de la scientificité que de la technicité.

Ainsi, une nouvelle combinaison, purement capitaliste et qui doit tout à l'économie, se fomente entre l'art et la technique. Le technicien a besoin du scientisme pour se démarquer de l'industrialisme, mais leur travail conjoint fabrique bien les valeurs du « productivisme ». Les producteurs de l'esthétique actuelle croient lutter contre « un monde sans beauté, un monde sans information, un monde sans communication » en proposant de nouvelles beautés, de nouvelles informations, organisées selon d'anciennes structures dans des matériaux nouveaux.

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Écrit par

  • : assistant associé à l'institut d'urbanisme de Paris

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