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MONASTIQUE ARCHITECTURE

Cluny

Fondé en 909 par douze moines, dont six sous la conduite de saint Bernon venaient de Baume-les-Messieurs, et six de Gigny, autre abbaye jurassienne, le monastère de Cluny se développa au cours des xe et xie siècles de manière stupéfiante. Odon, successeur de Bernon, sut fixer à ses moines un idéal de haute spiritualité. Son ouvrage Occupatio, paru peu après 924, cite les huit commandements que le moine doit suivre pour atteindre à la félicité céleste, à cet esprit de la Pentecôte qui réalise un état d'âme communautaire – animus socialis – en éternelle intimité avec le Christ. Cet abbatiat d'une haute valeur spirituelle – jamais, jusque-là, introversion monastique n'avait été plaidée de manière aussi sublime et rigoureuse – fut suivi par d'autres, non moins bénéfiques à l'abbaye de Cluny. La gloire de l'ordre fut établie à partir de 950 par trois « règnes » successifs qui durèrent chacun environ un demi-siècle. Sous saint Mayeul (953-994) fut érigée une nouvelle basilique que les archéologues appellent Cluny II. Ses dimensions sont celles prévues par les nouvelles normes du plan de Saint-Gall (environ soixante-dix mètres de longueur). Le chœur toutefois est plus différencié que celui de l'abbatiale de Saint-Gall et, à l'ouest, le vieux massif occidental subsiste sous une appellation nouvelle : galilée. Car l'ancien culte du Sauveur, liturgie pratiquée naguère par tout un peuple, où se mêlaient, à l'instar de Jérusalem, moines et fidèles venus de l'extérieur, a été relayé par une paraliturgie théâtrale mettant en scène les principaux épisodes de la Passion et de la Résurrection.

Le claustrum et ses édifices annexes n'ont guère changé. Le coutumier, daté de 1042, de Farfa, monastère d'Italie méridionale, contient une description explicite du cloître de Cluny II : l'aile orientale continue à abriter le dortoir au-dessus du capitulum (salle capitulaire), de l'auditorium (parloir) et de la camera (salle de séjour). Ce dortoir a cent soixante pieds de long, trente-quatre de large et vingt-trois de haut ; quatre-vingt-dix-sept fenêtres l'éclairent car la règle prévoit une fenêtre par moine et un espacement des lits (larges de deux pieds) de deux pieds et demi. Les latrines occupent un espace insoupçonné : soixante-dix pieds de long, vingt-trois de large. Il est précisé qu'on y trouve quarante-cinq sièges, surmontés chacun d'une petite fenêtre (fenestrula) auxquelles s'ajoutent dix-sept hautes fenêtres. Dans l'aile sud, le réfectoire, long de quatre-vingt-dix pieds, large de vingt-cinq et haut de vingt-trois, possède huit fenêtres de chaque côté. Il y a déjà deux cuisines à Cluny II, la cuisine régulière, longue de trente pieds et large de vingt-cinq, et la cuisine des laïcs, de mêmes dimensions. À l'est, comme sur le plan de Saint-Gall, un oratoire consacré à la Vierge sert également aux malades auxquels sont réservées six chambres, quatre à huit lits, alors que la cinquième et la sixième sont destinées l'une au lavement des pieds, l'autre à la vaisselle des malades. Du côté nord, l'auberge, appelée palatium, est de taille imposante : cent vingt pieds de long, trente de large. De chaque côté du réfectoire « mixte », un dortoir : l'un de quarante lits pour les hommes, l'autre de trente lits plus petits (lectuli) pour les femmes. Quatorze bains-étuves montrent quel soin on apporte à l'hygiène. Clarté, propreté, air, lumière, autant d'exigences auxquelles répond ce monastère qui, dès le temps de saint Odilon (994-1048), attirait les regards du monde entier. « Ordre, mesure, équilibre » caractérisaient cet ensemble dont les proportions restaient adaptées à l'échelle humaine.

Cet humanisme monastique se trouvera dépassé par la croissance[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art du Moyen Âge à l'université de Paris-X et au Centre d'études supérieures de civilisation médiévale de Poitiers

Classification

Médias

Mistra - crédits : De Agostini/ Getty Images

Mistra

Monastères des Météores - crédits : Hans Strand/ Getty Images

Monastères des Météores

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