Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ORGANIQUE ARCHITECTURE

Phénomènes adjacents

Divers autres phénomènes viennent s'intégrer aux cinq composantes de l'architecture organique : le « brutalisme » et la poétique « informelle » de Le Corbusier, avec ses dérivés britanniques et japonais ; les réalisations de Hans Scharoun et de ses partisans en Allemagne, revivifiant l'expérience expressionniste dans l'école de Löbau, dans les appartements « Roméo et Juliette » à Stuttgart, dans le théâtre Philharmonique de Berlin ; l'emploi du ciment armé en tenant compte des qualités propres à un matériau coulant, trop souvent contraint à prendre forme dans des caissons prismatiques, et dont l'illustration est offerte par le terminal de la Trans World Airlines à l'aéroport d'Idlewild à New York, dessiné par Eero Saarinen ; les voûtes minces, en coquille, et les matières plastiques qui, en raison des procédés d'impression, répugnent aux formes rectangulaires et cubiques ; les théories scientifiques les plus avancées, qui rétablissent l'indétermination et le hasard comme moments essentiels de la création ; les idéologies préconisant une architecture « sans projet », non plus imposée aux usagers, mais que ces derniers eux-mêmes constitueraient, c'est-à-dire, selon l'heureuse formule de Bernard Rudofsky, « une architecture sans architectes ». Le nivellement et la standardisation de la construction actuelle provoquent toutes sortes de réactions, toutes dirigées contre les effets répressifs du classicisme, quels que soient les habillages pseudo-modernes sous lesquels il se propose ou se camoufle. Certes, le ton messianique, l'individualisme exacerbé, l'esprit pionnier d'un Wright sont, dans une large mesure, dépassés ; mais l'idée d'une forme organique ou innée qui, pour parler comme Coleridge, « dans son développement, se façonne elle-même, du dedans – et la plénitude de ce développement s'identifie avec la perfection de sa forme externe », conquiert des légions d'adeptes. On a pu craindre que l'architecture organique ne fût qu'un instrument de défense pour l'homme du xixe siècle confronté à la machine et au monde industriel ; aujourd'hui, la science et la technique, et les théories anthropologiques, sociologiques et psychologiques s'accordent à indiquer cette voie-là ; plus encore : l'exigence de qualité et de personnalisation devient une force révolutionnaire, qui peut rallier les masses contre l'ordre invivable de l'urbanisme contemporain, contre la destruction écologique qui menace, après la faune et la flore, l'existence même de l'homme.

On voit s'opérer d'étranges combinaisons et de surprenants assemblages : les dernières œuvres de Wright reprennent des motifs explorés par Mendelsohn à ses débuts, dans ses croquis des années 1914-1921. Pareillement, la « géométrie indisciplinée », l'« enroulement continu » et l'« étagement hélicoïdal » de Bloc connaissent un précédent dans les visions de Finsterlin, qui les formule en ces termes : « Je souffrais d'une étrange et inexplicable aversion pour la vie dans des cubes, pour les surfaces planes et les angles droits, pour les caisses à objets domestiques appelés meubles. Dans ma vie éveillée comme dans mes rêves, mon regard supportait mal de poser sur des parois horizontales et verticales, il voulait se sentir caressé par des formes complexes, semblables à celles des cavernes ou aux organes gigantesques surgis dans mes rêves par les formes d'un monde riche, plein de vie, excitant... » Ainsi, les apports les plus divers s'unissent dans la tentative de créer une architecture organique, humaine avant d'être humaniste, et dont la règle pourrait être donnée par cette formule d'Emerson : « La forme, demandez-la aux faits. »

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'architecture, auteur, président du Comité international des critiques d'architecture

Classification

Médias

Erich Mendelsohn, Tour Einstein, Potsdam - crédits : Erik Bohr/ AKG-images

Erich Mendelsohn, Tour Einstein, Potsdam

Walter Gropius et Le Corbusier - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Walter Gropius et Le Corbusier

École du Bauhaus, Dessau - crédits : Alan John Ainsworth/ Heritage Images/ Getty Images

École du Bauhaus, Dessau

Autres références

  • AALTO ALVAR (1898-1976)

    • Écrit par
    • 2 590 mots
    • 2 médias

    Le Finlandais Alvar Aalto, comme le Suédois Gunnar Asplund, figure parmi les rares architectes scandinaves qui ont acquis une notoriété internationale avant la Seconde Guerre mondiale. Il est admis, généralement, de classer son œuvre dans la mouvance du style international né dans le courant des...

  • ARCHITECTURE CONTEMPORAINE - Une architecture plurielle

    • Écrit par , et
    • 11 661 mots
    • 17 médias
    ...l'érosion de leurs unités architecturales cellulaires, ce qu'aurait condamné Kahn. À cet égard, le structuralisme hollandais a quelque chose de commun avec l'école d'architecture organique d'Europe septentrionale issue d'Alvar Aalto, dont les principaux représentants sont actuellement...
  • ASPLUND ERIK GUNNAR (1885-1940)

    • Écrit par
    • 645 mots

    L'œuvre d'Asplund, dans la première moitié du xxe siècle, est exemplaire d'une architecture qui défend sans préjugés les nouveaux modes de communication propres à la civilisation technologique naissante. Son œuvre s'articule en plusieurs phases : il commence sa carrière dans le style...

  • BERLAGE HENDRIK PETRUS (1856-1934)

    • Écrit par
    • 726 mots
    • 1 média

    L'architecture dense, opaque, sentimentale, structurellement ornée du Néerlandais Berlage indique l'une des voies de recherche que l'architecture occidentale expérimente à la charnière de deux siècles pour tenter de répondre aux requêtes de l'évolution sociale, aux appels de la technologie....

  • Afficher les 15 références