Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

RATIONALISTE ARCHITECTURE

L'apport doctrinal français au XIXe siècle

Jean Nicolas Louis Durand (1760-1834) produira le premier une doctrine extrémiste, favorable aux seules visées utilitaires de l'architecture. Considérée à la fois comme « une science et un art », celle-ci « ne peut avoir pour but l'agrément mais bien l'utilité ». Durand rédigera pour les futurs ingénieurs de la jeune École polytechnique un Précis des leçons d'architecture (1802-1805) dont le radicalisme préfigure les conceptions objectivistes soutenues dans les années 1920 par les tenants de la Neue Sachlichkeit (Nouvelle Objectivité). Encore attaché à la symétrie, non pour en valoriser le centre à la manière baroque mais pour l'économie d'exécution qu'elle permet, il préconisait l'architecture « la plus symétrique, la plus régulière, la plus simple possible ». Son ambition normative le conduira à classer en trois catégories les « formes et proportions » que l'on peut rencontrer dans les édifices. La première annonce le rationalisme objectif du xxe siècle et désigne les formes et proportions qui « naissent de la nature des matériaux et de l'usage des objets à la construction desquels ils sont employés ». Dans la seconde, Durand range « celles dont l'habitude nous a fait en quelque sorte comme un besoin », tels les ordres classiques. Et dans la dernière « celles qui, plus simples et plus déterminées que d'autres, doivent obtenir chez nous la préférence, à cause de la facilité que nous avons à les saisir », c'est-à-dire les formes dérivées des corps géométriques simples. S'attaquant aux deux sources traditionnelles de la beauté en architecture, les ordres et leurs proportions, Durand n'en conclut pas que l'architecture puisse déplaire : « Nous disons au contraire qu'il est impossible qu'elle ne plaise pas, lorsqu'elle est traitée selon ses vrais principes. » D'ailleurs, il se faisait fort de montrer « combien la manie de décorer nuit, même à la décoration ». Étendant à tout l'édifice l'intuition structuriste que le père Laugier réservait à la relecture de l'ordre classique, il recommandait le mur décoré par la seule « apparence de sa construction », le plafond à poutres apparentes « qui en attestent la solidité », à l'exemple « des édifices auxquels on n'attache aucune importance ». Annonçant les futurs développements de l'architecture du fer et du béton armé, il décrivit la conception « ossature-remplissage » qui permet d'appréciables économies, réservant « les matériaux durs » pour les parties les plus chargées et « les matériaux tendres » pour les autres. Les élévations seront déduites du plan et de la coupe et non de quelque « extravagance » a priori. De ces préceptes devait naître « naturellement une autre espèce de décoration architectonique véritablement faite pour nous plaire puisqu'elle nous présentera l'image fidèle de nos besoins satisfaits ».

Son enseignement du « mécanisme de la composition » sur trames régulières aura des effets durables et trouvera dans les édifices édilitaires construits au xixe siècle son premier terrain d'application.

C'est par l'intermédiaire d' Émile-Jacques Gilbert (1793-1874), ancien élève de Durand et prix de Rome, que le virus rationaliste contaminera pour un temps l'École des beaux-arts. Gilbert réalisera deux importants édifices hospitaliers selon les principes de Durand : l'hospice de Charenton (1838-1845) et l'Hôtel-Dieu (1864-1876) achevé par Diet, son gendre. Accueilli en 1824 à la Villa Médicis par Gilbert, Henri Labrouste (1801-1875) devint l'adepte militant d'un rationalisme objectif, tempéré de soucis décoratifs en accord avec l'historicisme ambiant. Il réalisera[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Médias

Louis I. Kahn, The Kimbell Art Museum, Fort Worth - crédits : Roger Last/  Bridgeman Images

Louis I. Kahn, The Kimbell Art Museum, Fort Worth

Louis I. Kahn, The Kimbell Art Museum, Fort Worth : le plan d'eau - crédits : Roger Last/  Bridgeman Images

Louis I. Kahn, The Kimbell Art Museum, Fort Worth : le plan d'eau

Autres références

  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Notions essentielles

    • Écrit par
    • 4 952 mots
    Pour l'architecte rationaliste, la beauté résulte avant tout d'une démarche structurelle conduite à son terme logique. Pour l'éclectique, qui emprunte aux époques les plus diverses de l'histoire de l'architecture, de l'Égypte ancienne au Moyen Âge, de la Grèce classique aux Lumières européennes, elle...
  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Architecture, sciences et techniques

    • Écrit par
    • 7 914 mots
    • 6 médias
    Ces questions trouvent peu d'écho dans une institution comme l'École des beaux-arts où l'on enseigne alors avant tout la composition et la décoration des édifices auxquelles la construction se trouve clairement subordonnée. En revanche, elles vont être reprises par des architectes comme Henri Labrouste,...
  • ARCHITECTURE & ÉTAT AU XXe SIÈCLE

    • Écrit par
    • 3 970 mots
    • 3 médias
    ...sources d'inspiration dans la tradition de la Rome antique ; l'autre qui continue et tente d'adapter aux conditions nouvelles les idéaux d'une avant-garde «  rationaliste » dont l'influence en Italie n'est pas négligeable. Cette influence est particulièrement sensible dans l'Italie du Nord, et notamment...
  • BAUDOT ANATOLE DE (1834-1915)

    • Écrit par
    • 872 mots

    L'activité de Baudot, architecte français, se situe entre 1860 et 1914. Ces deux dates correspondent à une période de crise pour l'architecture ; des idées et des techniques révolutionnaires contribuent à démolir un monde et à poser les fondements d'une nouvelle architecture. Comme professeur,...

  • Afficher les 34 références