- 1. Montmartre : deux chantiers fondateurs
- 2. Reconstruire autrement
- 3. Notre-Dame du Raincy
- 4. Le renouveau du plan centré
- 5. Foyers régionaux
- 6. La mosquée de Paris
- 7. Les Chantiers du Cardinal
- 8. L'appel aux « grands »
- 9. Formes nouvelles
- 10. Le retrait des architectes
- 11. Un regain monumental
- 12. Bibliographie
ARCHITECTURE RELIGIEUSE AU XXe SIÈCLE, France
Formes nouvelles
Dans leur commun désir de mettre fin à la production éclectique du xixe siècle, les architectes des années 1920-1930 avaient eu l'intime conviction d'être les artisans d'une rupture ; on serait plutôt tenté de voir dans cette période un moment de transition, une étape préparatoire. Les dommages provoqués par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale furent tels, qu'une politique nationale dut être mise en place pour la reconstruction des églises françaises – 4 000 étaient sinistrées. Coordonnée par l'architecte Paul Koch (architecte en chef de l'Union nationale des coopératives de reconstruction des églises sinistrées) et relayée par les commissions diocésaines d'art sacré, elle favorisa fréquemment le recours aux techniques les plus avancées. Certains lieux de culte des années 1950-1960 affectent en effet une liberté formelle inédite, qui doit essentiellement aux possibilités croissantes offertes par la construction en béton armé. Ainsi l'ingénieur Bernard Laffaille met-il ses recherches sur les paraboloïdes hyperboliques et les poteaux-coques en forme de V, au service des églises de Villeparisis (Maurice Novarina, 1954-1958), de Royan (Guillaume Gillet, 1954-1958) et de Bizerte en Tunisie (Paul Herbé et Jean Le Couteur, 1948-1953) ; ainsi Eugène Freyssinet, l'un des inventeurs du béton précontraint, sera-t-il associé à la création de la basilique souterraine Saint-Pie-X, à Lourdes (Pierre Vago, Pierre Pinsard et André Le Donné, 1955-1958). À des fins moins spectaculaires, Arthur Georges Héaume et Alexandre Persitz confient à René Sarger le soin de mettre en œuvre des voiles de béton brut « en accordéon », pour la chapelle Saint-Joseph-des-Épinettes à Paris (1964) – l'ingénieur avait cependant, quelques années plus tôt, utilisé le matériau aux limites de ses possibilités, sur le chantier de la basilique du Sacré-Cœur d'Alger (Herbé et Le Couteur, 1955-1961). Quant au vaste parapluie d'acier, de bois et d'aluminium qui couvre l'église de Mazamet (Tarn, 1960), il est le fruit de plusieurs années de collaboration entre son concepteur, Joseph Belmont, et le constructeur Jean Prouvé.
Mais dès lors qu'aucune contrainte technique ne limitait plus l'imagination des architectes, la réflexion sur la fonction même de l'église n'était-elle pas reléguée au second rang ? Il fait peu de doute que de nombreux lieux de culte des années 1950-1970 ne répondent plus au vœu émis en 1945 dans les colonnes des Cahiers de l'art sacré : « Il faut que l'église apparaisse spontanément comme un édifice religieux » ; c'est particulièrement le cas de Sainte-Bernadette de Nevers (1963-1966), que Claude Parent et Paul Virilio conçoivent comme un bunker aux planchers inclinés. Est-ce pour autant que leurs concepteurs ont omis de réfléchir à la portée symbolique du plan ? Bien au contraire : l'un des phénomènes les plus marquants de l'après-guerre est l'évolution rapide et massive des dispositifs spatiaux des églises. On peut considérer à cet égard que la réforme liturgique consécutive au IIe concile du Vatican (1962-1965) ne fera qu'entériner une mutation amorcée plusieurs années auparavant. L'église Saint-Antoine de Boust (Moselle), achevée par Pingusson en 1962, est significative de ce moment : reprise d'un projet pour Arcueil datant de 1938, cet édifice circulaire, dont l'autel est placé au centre, se veut l'expression d'une Église plus démocratique – tous les fidèles y sont sensiblement à distance égale de l'officiant – et d'un retour au modèle originel absolu (le Saint-Sépulcre de Jérusalem), l'architecte étant parfaitement conscient de rompre, en cela, avec l'analogie entre le plan basilical et la croix du Christ. Figure d'exception dans sa forme la plus radicale – le choix de Pingusson fut[...]
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Écrit par
- Simon TEXIER : professeur, université de Picardie Jules-Verne
Classification
Médias
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