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ARCHITECTURE (Thèmes généraux) Architecture et société

Modernisation sociale et modernité architecturale

Au début du xxe siècle, le débat architectural devient plus incisif, avec l'apparition des avant-gardes qui se sentent investies d'une responsabilité autrement plus globale que le simple replâtrage des défauts de la société industrielle. Cette société change de toute manière de nature avec l'apparition de la civilisation de masse, des grandes métropoles, des concentrations industrielles et du taylorisme-fordisme. C'est cet ensemble de transformations qu'il faut penser dans le sens d'une plus grande harmonie entre l'homme et son environnement, un environnement constitué dans une large mesure d'artefacts : villes, édifices, objets industriels, dont la conception paraît souvent défectueuse. À l'indispensable modernisation des structures sociales et productives doit correspondre une modernité des espaces, des formes et de leurs usages. Dans le cadre du Deutsche Werkbund, qui reprend à son compte une partie des orientations des Arts and Crafts, l'architecte allemand Peter Behrens (1868-1940) démontre la possibilité d'établir des relations étroites entre art, architecture et industrie. Ces mêmes relations figureront au programme du Bauhaus fondé en 1919 à Weimar et dirigé par Walter Gropius (1883-1969).

Les débuts du Mouvement moderne sont aussi marqués par la coloration éminemment politique d'un certain nombre de réalisations comme le Nouveau Francfort d'Ernst May (1886-1970), qui offre l'exemple d'une collaboration exemplaire entre un architecte et une administration municipale socio-démocrate. C'est une collaboration du même type que recherchent, dans un contexte tout à fait différent il est vrai, les constructivistes russes au début des années 1920. Dans la perspective d'une vie sociale régénérée, la réflexion sur l'habitation collective et ses standards est alors au cœur des recherches de l'architecture moderne, même si un Le Corbusier ne construit guère que des villas à l'époque.

Malgré l'engagement sincère de nombreux architectes, les rapports entre le Mouvement moderne, la société et le pouvoir politique vont demeurer empreints d'ambiguïté. Les avant-gardes se montrent tout d'abord ambiguës, avec leurs effectifs restreints et leur caractère souvent élitiste qui contraste avec leurs préoccupations sociales affirmées. Leur attitude à l'égard de l'histoire, qu'elles tentent d'une certaine manière d'abolir au profit d'une modernité architecturale aux accents définitifs, est pour le moins critiquable, comme ne se privent pas de le souligner leurs adversaires qui se réclament des enseignements de la tradition. Les relations entre modernité architecturale et politique sont complexes à élucider. Certes, le Mouvement moderne rencontre peu d'audience au sein des régimes totalitaires de la première moitié du siècle, ainsi qu'en témoignent la mise à l'écart des constructivistes russes ou la véritable persécution dont font l'objet les tenants les plus orthodoxes de la modernité dans l'Allemagne nazie. Certains architectes n'en sont pas moins tentés par les solutions autoritaires ; comment ne pas évoquer à ce propos certaines prises de positions de Le Corbusier au cours des années 1930 ou l'itinéraire d'un Guiseppe Terragni (1904-1942) dans l'Italie fasciste ? Plus généralement, la tentation est grande pour les architectes de se mettre au service d'un idéal de rationalisation dont la nécessité transcenderait les clivages politiques.

Passée l'époque des plans en tous genres destinés à exorciser le spectre de la crise économique et de l'anarchie sociale, cette dérive technocratique va se heurter au relatif désintérêt des détenteurs du pouvoir à l'égard de l'urbanisme et de l'architecture. Après la Seconde Guerre[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'architecture et des techniques à la Graduate school of design de l'université Harvard, Cambridge, Massachusetts (États-Unis)

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