ARCHITECTURE (Thèmes généraux) Architecture, sciences et techniques
Les bâtisseurs du Moyen Âge
Si l'architecture gréco-romaine avait vu se distendre quelque peu les liens entre architecture et construction, ces derniers se resserrent à nouveau au Moyen Âge. D'importance variable selon les pays, l'influence romaine se conjugue avec des apports byzantins et orientaux. Voûtes en berceau, calottes et coupoles en pierre d'une facture souvent remarquable se multiplient dans les églises romanes d'Occident, posant des problèmes de stabilité de plus en plus complexes à résoudre. Les piles cruciformes qui font leur apparition dès le xe siècle leur apportent un début de réponse. Expérimentée en Île-de-France au cours du xiie siècle, la voûte sur croisée d'ogives va conduire, quant à elle, à un renouvellement complet des techniques de voûtement des églises de grandes dimensions. Au plein cintre roman succède un mode de couverture beaucoup plus léger, permettant de donner une plus grande hauteur aux édifices et de percer plus largement les murs pour faire entrer la lumière. Marqué par des performances de plus en plus spectaculaires, le temps des cathédrales gothiques peut alors s'ouvrir.
Le gothique réalise l'une des plus étonnantes synthèses entre architecture et construction qu'ait connues l'Occident. À son apogée, la réflexion des maîtres d'œuvre gothiques part de la voûte dont les poussées canalisées par l'intermédiaire des arcs en ogive sont reprises au moyen de piles cruciformes, de contreforts et d'arcs-boutants, de manière à transformer les édifices en un système dynamique de butées et de contrebutées qui s'exprime avec une franchise tout à fait remarquable. La minceur des appuis verticaux et obliques révèle les lignes de force de la structure. Dans les cathédrales des xiie et xiiie siècles, la construction est mise en scène au même titre que le décor sculpté dont s'ornent les façades. Confiée à des spécialistes dont les compétences tiennent à la fois de celles de l'architecte et de l'ingénieur, comme Pierre de Montreuil ou le mythique Erwin von Steinbach, la conception ne procède pas de calculs savants ; en dépit de sa hardiesse, elle participe d'un ensemble d'intuitions structurelles et de savoir-faire lentement sédimentés. Au sein de cet ensemble, les préoccupations de rationalisation des tâches de mise en œuvre occupent une place importante. Le tracé des voûtes est par exemple indissociable des procédés de taille des pierres et d'appareillage. L'architecture gothique témoigne d'un souci de prise en compte globale du processus de conception-réalisation. Ce souci est bien sûr lié à la taille et à la complexité croissantes des chantiers dont l'emprise au sol des cathédrales donne une certaine idée : 5 500 mètres carrés à Paris, 6 200 à Bourges, 8 000 à Amiens.
Tandis que l'art roman aime le symbolisme des nombres, qui renvoyait directement au message biblique et à ses interprétations, les bâtisseurs gothiques révèrent avant tout la géométrie. Mais leur géométrie, différente en cela de celle de Vitruve qui reposait avant tout sur des rapports dimensionnels entre le tout et les parties, possède un tour beaucoup plus appliqué. C'est une géométrie de la règle et du compas qui enseigne comment coordonner le plan et l'élévation de l'édifice, mais aussi comment définir les gabarits des pierres qui doivent permettre sa réalisation. Outil de conception, la géométrie représente également un moyen de communication entre maîtres d'œuvre, tailleurs de pierre et appareilleurs.
Bien que le texte vitruvien soit largement ignoré des bâtisseurs de cathédrales, leur intérêt pour les techniques les plus diverses rappelle celui dont faisait preuve l' ingénieur romain. Cet intérêt est manifeste dans le carnet de dessins annotés laissé par [...]
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Écrit par
- Antoine PICON : professeur d'histoire de l'architecture et des techniques à la Graduate school of design de l'université Harvard, Cambridge, Massachusetts (États-Unis)
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