ARCHITECTURE (Thèmes généraux) L'architecte
Renaissance et Temps modernes
L'autonomie de l'architecte face aux différentes professions du bâtiment est le résultat d'une lente évolution, amorcée au xve siècle en Italie et qui se poursuit jusqu'à la fin de l'Ancien Régime en France : deux époques déterminantes de l'histoire du monde occidental, où la réflexion sur le rôle de l'individu dans la société, et plus précisément celui de l'artiste, précéda la formulation officielle d'une spécificité socioprofessionnelle. Il aura fallu quatre siècles pour que s'affermissent les positions de l'architecte face à l'ingénieur, à l'édile ou au patron (nous utilisons ce terme dans son sens anglais), mais aussi face aux professions corporatives de la construction, tailleurs de pierre, maçons, conducteurs de travaux, charpentiers, et, plus tard, à l'entrepreneur. Que certains représentants de ces professions aient pu s'attribuer le titre d'architecte, ou être nommés tels dans les pièces d'archives, du xve au xviiie siècle, montre à la fois l'ambiguïté d'une discipline naissante et son aura sociale montante.
L'architecte des Temps modernes dut faire admettre le primat de la pensée, de la gratuité de la conception esthétique sur la maîtrise d'une technologie qu'il assimile désormais aux moyens techniques d'expression. Cette dualité, qui explique par exemple les conflits périodiques entre ingénieurs et architectes, obligea ceux-ci à affermir leur position en définissant, d'une part, une activité théorique qui correspond au dessin, et une pratique qui confirme leurs capacités de maîtres d'œuvre capables de conduire ou de superviser l'ensemble des travaux. Encore fallait-il qu'une déontologie les situât au sommet de la pyramide des corps du bâtiment, au plus près des édiles ou des patrons. Il n'y a évidemment pas de coupure entre l'attitude de l'époque moderne naissante et celle du Moyen Âge, dont l'évolution technologique et économique laisse déjà prévoir la nécessité de distinguer dans une même personne celui qui conçoit et qui construit, maître d'œuvre aux capacités plus étendues et mieux précisées que celles du pur architectus theoreticus ou du simple praticien conducteur de travaux. Dès la fin du xiiie siècle et jusqu'à nos jours, la pratique essentielle de l'architecte, de son atelier et, bientôt, de son agence, passe par l'exercice du dessin, qu'il s'agisse du carnet de croquis, répertoire de modèles, ou des plans préparatoires à l'exécution – souvent testée sur maquette.
La conquête d'une position sociale (1423-1750)
L'architecte démiurge
Dès le milieu du xvie siècle, en Italie d'abord, puis dans tous les pays gagnés par l'humanisme, la position sociale de l'architecte est bien affirmée. Que l'on pense par exemple à Philibert de l'Orme faisant graver son portrait en frontispice du Premier Tome de l'architecture (1567). Il est remarquable de voir l'architecture bénéficier, dès l'origine de l'invention de l'imprimerie, du principal moyen d'expression de l'humanisme que fut le livre. D'abord consacré à la théorie, celui-ci est ensuite orienté vers une vulgarisation où la place de l'illustration à partir de planches gravées apparaît comme l'innovation la plus considérable et la plus efficace. Inspirés directement des copies manuscrites du texte de Vitruve – dont les éditions se multiplient à travers l'Europe –, les plus célèbres ouvrages italiens seront largement diffusés et commentés pendant quatre siècles : ceux de Leon Battista Alberti (De re œdificatoria, entre 1450 et 1472, imprimé en 1485), de Francesco Colonna (Hypnerotomachia Poliphili... 1499), de Fra Giocondo (1511), de Sebastiano Serlio[...]
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Écrit par
- Florent CHAMPY : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de sciences sociales et docteur en sociologie, chercheur au C.N.R.S. (Centre de sociologie des arts), enseignant à l'École des hautes études en sciences sociales et à l'Institut d'études politiques de Sciences Po Paris
- Carol HEITZ : professeur d'histoire de l'art du Moyen Âge à l'université de Paris-X et au Centre d'études supérieures de civilisation médiévale de Poitiers
- Roland MARTIN : membre de l'Institut
- Raymonde MOULIN : directrice de recherche émérite au CNRS
- Daniel RABREAU : professeur à l'université de Paris-I-Sorbonne, directeur du centre Ledoux
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