ARCHIVES
Une histoire des archives
La constitution des grands dépôts d'archives européens
L'histoire des archives européennes est schématiquement passée par plusieurs grandes phases : de l'Antiquité à l'époque carolingienne, la conservation a lieu dans le cadre du palais, le Moyen Âge pratique le regroupement des trésors des chartes seigneuriaux, puis le développement de l'administration royale et, par voie de conséquence, celui de la production documentaire poussent à l'organisation des dépôts et à la centralisation de la conservation.
À Simancas, l'Espagne offre dès le xvie siècle le premier exemple d'archives centrales d'État ; Charles Quint y fait transférer son trésor des chartes en 1545 et les divers fonds administratifs de la monarchie espagnole viennent s'y adjoindre, suscitant en 1588 la promulgation d'un règlement qui en organise la gestion. À Rome commencent en 1568 le regroupement et la réorganisation des archives du Saint-Siège au château Saint-Ange, qui aboutit à la formation en 1610, par Paul V, de l'Archivio Segreto Vaticano, qui prend son autonomie par rapport à la bibliothèque vaticane en 1635. Dans d'autres monarchies, au même moment, le mouvement est moins avancé et l'on se soucie très empiriquement d'améliorer une conservation des documents au sein même des administrations qui les produisent. Ce n'est qu'au xviiie siècle, en 1749, qu'est créé par l'impératrice Marie-Thérèse le Haus-Hof-und Staatsarchiv de Vienne où furent rassemblées des archives jusque-là dispersées dans l'Empire. Le mouvement de centralisation des archives d'État fait peu à peu tache d'huile et de grands dépôts sont créés en Europe, notamment en Italie (à Milan, où l'archiviste Ilario Corte pose les bases de l'archivistique moderne) et en Angleterre avec la création, sans doute au début du xviie siècle, du State Paper Office à Londres. En 1781, à Séville, est fondé le dépôt des Archives générales des Indes destiné à rassembler les archives concernant les possessions espagnoles d'outre-mer.
Deux grands systèmes de classement d'archives s'affirment progressivement : au système germanique de la Registratur, qui veut que toutes les pièces relatives à une même affaire soient réunies chronologiquement par les soins d'un bureau spécial établi à cette fin dans chaque administration, s'oppose le système « latin » laissant aux archivistes toute latitude d'ordonner a posteriori (le plus souvent selon les types de documents, les matières et la chronologie) les archives qui parviennent jusqu'à eux.
L'intérêt très progressif porté aux archives procède de la prise de conscience de leur importance pour le gouvernement et l'administration ; elles deviennent des enjeux politiques et diplomatiques, servant à appuyer les revendications et à fonder les droits. Les bella diplomatica (guerres diplomatiques) opposent les érudits et fondent la critique des documents, qui sont mis au service du pouvoir grâce aux « preuves » établies à partir d'eux ; l'exemple le plus célèbre est celui de la politique d'occupations territoriales dite « des Réunions » menée par Louis XIV. Cela contribue à affirmer les droits de l'État sur les « papiers publics », une notion qui s'étend à la protection de l'intérêt des particuliers avec le développement de la conservation par les notaires de leurs archives. Émerge alors l'idée d'une conservation dans l'intérêt public et les archives, secrètes, à la disposition jusque-là du seul pouvoir, vont devenir publiques et consultables par tous.
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Écrit par
- Françoise HILDESHEIMER : conservatrice générale du patrimoine, professeure associée à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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