- 1. Les pays de l'Arctique et l'éveil des peuples autochtones
- 2. Des perspectives énergétiques prometteuses
- 3. Le statut de l'océan Arctique
- 4. Les principaux différends sur les limites maritimes
- 5. L'enjeu des routes maritimes arctiques
- 6. Le statut des routes maritimes arctiques
- 7. L'intérêt stratégique et militaire de l'Arctique et son évolution
- 8. Les enjeux environnementaux
- 9. Bibliographie
ARCTIQUE (géopolitique)
Les enjeux environnementaux
Les conditions extrêmes, l'inaccessibilité et la rareté des hommes ont longtemps préservé la nature des régions de haute latitude. Mais, depuis les années 1960, les perturbations anthropiques, liées à une mise en valeur croissante et à la militarisation, s'y multiplient. Les écosystèmes terrestres et marins s'en trouvent altérés et les peuples autochtones, qui vivaient en symbiose étroite avec la nature, s'en inquiètent.
L'océan Arctique n'est qu'un élément de l'océan mondial. Comme il participe aux flux atmosphériques et océaniques planétaires, il est victime de pollutions venues d'ailleurs, d'autant plus que les milieux polaires, du fait de leurs basses températures, de l'absence saisonnière d'eau liquide et de leur couverture de neige et de glace, ont tendance à concentrer les polluants. En outre, les exploitations minières et pétrolières, sortes de fronts pionniers dans l'Arctique, sont des facteurs sérieux d'altération du milieu qui s'ajoutent à la pollution produite par la circulation des navires et des véhicules, les fuites d'oléoducs, les accidents sur les champs d'extraction, le développement rapide du tourisme et enfin la militarisation, surtout quand celle-ci s'appuie sur des armes et des navires atomiques. La radioactivité issue des équipements datant de la guerre froide, forme de pollution moins visible et plus sournoise, s'avère inquiétante dans ces régions. Dans le secteur russe, les essais nucléaires du polygone de tir de la Nouvelle-Zemble qui fonctionna de 1955 à 1990, les accidents de sous-marins nucléaires, le stockage de déchets radioactifs, l'immersion de réacteurs nucléaires et le démantèlement de vieux bâtiments de la flotte russe dans des conditions précaires ont fortement accru les taux de radioactivité, de la presqu'île de Kola à la mer de Kara, au point que cette dernière est parfois qualifiée de « poubelle nucléaire ». On observe des risques de contamination durable dans l'ensemble du monde polaire boréal et même au-delà, susceptibles d'affecter tous les pays riverains ; cela suppose des réactions communes et concertées, par-delà les rivalités géopolitiques.
Les peuples autochtones sont les premiers concernés par le développement économique qu'on leur impose et par la militarisation. Les Inuits ont manifesté leur hostilité à l'ouverture de fronts pionniers au Canada dès les années 1970 et craignent les effets du recul de la banquise, des glaciers et du pergélisol sur leur mode de vie ancestral. En revanche, ils bénéficient de la croissance économique qui leur offre des emplois et leur donne accès à des technologies nouvelles. La population inuite a doublé au Canada depuis le recensement de 1981 et elle est devenue urbaine à 87 %, signe que les autochtones sont peu à peu coupés de leur environnement traditionnel, avec les phénomènes d'acculturation qui en découlent.
Face à ces perturbations, les États ont cherché à réagir, sans remettre en cause le développement économique, en tentant de préserver la nature là où elle n'était pas encore trop dégradée. Ainsi ont été créés des espaces protégés, des parcs naturels, des sites classés qui devraient contribuer également à maintenir la vie traditionnelle des peuples autochtones. Au Svalbard, 60 % de la superficie de l'archipel sont protégés ; la Terre François-Joseph et les îles de Nouvelle-Sibérie sont des réserves naturelles ; le quart nord-est du Groenland est, depuis 1974, un parc naturel, qui plus est le plus grand du monde. Il y a dans cette politique une volonté d'apaiser les craintes des populations locales tout en se réservant le droit d'ouvrir des fronts pionniers ; on imagine mal les pays riverains renoncer à la mise en valeur des ressources naturelles dont ils disposent, notamment des hydrocarbures,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- François CARRÉ : professeur de géographie de la mer à l'université de Paris-Sorbonne
Classification
Médias