ARDIPITHECUS RAMIDUS
En 1994 était découvert à Aramis, en Éthiopie, un squelette daté de 4,4 millions d'années (Ma) appartenant à Ardipithecus ramidus. Comme le spécimen était très écrasé, il a fallu attendre quinze ans pour que la communauté scientifique puisse dresser un portrait de ce supposé ancêtre (T. D. White et al., « Ardipithecus ramidus and the Paleobiology of Early Hominids », in Science, vol. 326, pp. 75-86, 2009). Ce squelette, dont 45 p. 100 sont préservés, comprend une grande partie du crâne et des dents, du bassin, des os des membres, des mains et des pieds. D'après la petite taille des canines et du crâne, et la faiblesse du bourrelet sus-orbitaire, il a été attribué à une femelle, surnommée « Ardi », dont le poids est estimé à une cinquantaine de kilogrammes et la taille à près de 1,20 mètre.
Le crâne, après reconstitution directe à partir des moulages des fragments et virtuelle après leur numérisation, apparaît petit avec un volume de 300 à 350 centimètres cubes, comparé aux 380 centimètres cubes de Lucy (Australopithecus afarensis, plus récente puisque datée de 3,2 millions d'années). Il est également plus petit que celui des chimpanzés. L'aspect le plus surprenant est probablement l'association d'un bassin plutôt humain et d'un pied aux orteils longs et préhensiles qui évoquent les grands singes. Ardipithecus ramidus aurait été bipède au sol et se serait déplacé à l'aide de ses quatre membres dans les arbres, à la manière de certains grands singes du Miocène (de 22 à 6 Ma). Qu'en est-il réellement ? Le bassin, retrouvé en très mauvais état, a été reconstitué d'une manière qui le rapproche de celui de Lucy. Mais, dans le registre des fossiles, un autre hominoïde non hominidé, Oreopithecus du Miocène supérieur (8 Ma environ) de Toscane, est aussi considéré comme un bipède, mais présente une autre forme de bipédie qui n'est pas celle d'un ancêtre de l'homme. Le fémur d'Ardipithecus ramidus, dont le corps de l'os est plutôt massif, ne ressemble pas à celui des bipèdes habituels. De plus, les mains de ce fossile éthiopien – grandes, aux phalanges incurvées et au pouce réduit – sont plutôt semblables à celles des grands singes. Quant à la dernière phalange du pouce, elle diffère fortement de celle des hominidés (Orrorin, Australopithecus et Homo). Selon ses inventeurs, l'espèce Ardipithecus ramidus, considérée ici comme l'ancêtre des australopithèques, serait la plus ancienne de la lignée humaine et la plus proche de l'ancêtre commun aux grands singes africains et à l'homme que n'importe quelle autre espèce d'hominidé. Toutefois, cette étude les incitent à suggérer que les chimpanzés ne peuvent plus être considérés comme de bons modèles de l'ancêtre commun aux grands singes et aux hominidés puisque la morphologie des dents et le faible prognathisme de la face d'Ardipithecus ramidus en sont très différents. Idée déjà émise, il faut le rappeler, il y a plus de vingt ans par certains paléontologues !
Pour pouvoir interpréter les fossiles d'hominidés aussi anciens, il est fondamental d'étudier les grands singes miocènes. Dans la publication de l'équipe de Tim White, les données ont souvent été mal représentées et de nombreux caractères considérés comme appartenant aux hominidés chez Ardipithecus ramidus sont probablement hérités des grands singes du Miocène. Des caractères d'Ardipithecus ramidus supposés humains lors de l'examen des premiers fragments connus (découverts à partir de 1992) se sont avérés depuis lors simiesques avec l'étude de ce dernier. En revanche, la reconstitution déduite de ce squelette fait apparaître des caractères aujourd'hui supposés morphologiquement « humains » (comme l'épaule, le bras, la colonne vertébrale, le[...]
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Écrit par
- Brigitte SENUT : professeure de première classe au Muséum national d'histoire naturelle
Classification
Autres références
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- Écrit par Brigitte SENUT
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- Écrit par Brigitte SENUT
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- 7 médias
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