ARÉISME
L'hydrographie des régions aréiques
Que devient l'eau précipitée à la surface des déserts ? Elle tend à donner naissance à un ruissellement superficiel, avec d'autant plus de facilité qu'elle tombe au cours d'averses plus violentes.
Le ruissellement s'établit d'autant plus aisément que le sol n'est pas protégé par la végétation : la pluie le frappe directement, arrachant les particules les plus fines mais tassant les autres et réduisant la perméabilité de surface. La nature même des sols accélère ce processus : minces, discontinus, ayant une mauvaise structure, ils ne peuvent absorber que de faibles quantités d'eau, d'autant que les sels qu'ils contiennent, les vernis ou les croûtes dont ils sont revêtus bloquent l'infiltration.
Cette vitesse de filtration dépend de la pente topographique et de la porosité du matériel, sol ou roche à nu, exposé à la pluie. Seuls les sables bien triés des massifs dunaires ont une porosité suffisante pour absorber l'eau déversée lors des averses les plus violentes, et les champs de dunes sont les régions aréiques par excellence. Sur toutes les autres roches, même recouvertes d'un sol, la porosité se révèle insuffisante pour éponger l'eau précipitée, dès lors que celle-ci tombe à une cadence de 0,5 mm par minute durant plus de 5 minutes. Or, tous les déserts du monde reçoivent, à intervalles plus ou moins longs, de telles précipitations, suivies de ruissellement. Ce dernier prend des formes multiples et s'étend, le plus souvent, à toute la surface de la région soumise à l'averse, qu'il recouvre d'une pellicule d'eau en mouvement, se concentrant parfois dans des chenaux temporaires. Au cours d'averses violentes, sur le piémont des massifs montagneux, au débouché des vallées principales ou au pied de hautes corniches, de véritables nappes s'avancent, en dessinant des lobes en mouvement vers l'aval à des vitesses variables. La pellicule d'eau en mouvement (sheet-flood), dont l'épaisseur est toujours inférieure à 30 centimètres, est souvent chargée de débris fins, qui peuvent lui donner la consistance d'une coulée boueuse. Parfois, lorsque la roche est peu altérée et la pente faible, l'eau reste claire et s'écoule de manière laminaire (sheet-wash). Mais, le plus souvent, l'écoulement s'effectue sous forme de filets instables, anastomosés, sensibles au moindre obstacle (rill-wash). Sur les roches dures et homogènes peuvent ainsi se constituer des formes d'érosion particulières ayant l'aspect d'amples glacis en pente très faible (pédiment). Si la pente est assez forte, et en présence de matériaux meubles, les petites rigoles d'écoulement deviennent fixes et s'encaissent, découpant la région en un ensemble de collines décharnées.
La topographie régionale se prête, parfois, à la réunion de débits de plusieurs de ces ravins et à la formation d'un véritable cours d'eau, dont l'activité ne survivra que de quelques heures à la fin de la période pluvieuse. Le lit qu'il occupe, hérité souvent d'une ancienne rivière, établie lors d'une phase climatique plus humide, est fixe et se suit jusqu'à une plaine d'épandage terminale. Les crues qui le parcourent sont redoutables par leur brutalité, surtout si elles proviennent de massifs montagneux voisins. Ces cours d'eau, qui sont déjà des oueds, contribuent donc, de manière efficace, à l'érosion des régions qu'ils traversent, en dépit de la rareté des périodes d'écoulement.
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Écrit par
- Pierre CARRIÈRE : agrégé de géographie, docteur d'État ès lettres
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