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ARGOT

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Le milieu

Le plus ancien document de la littérature jargonnesque est constitué par six ballades en jargon jobelin écrites par Villon et qui figurent en appendice de son œuvre.

Voici la première strophe de la première de ces ballades :

« Aparouart la grant mathegaudie

Ou accolez sont duppez et noirciz

Et par les anges suivants la paillardie

Sont greffiz et print cinq ou six

Là sont bleffleurs au plus hault bout assis

Pour les evaige et bien hault mis au vent

Escheques moy tost ces coffres massis

Car vendengeurs des ances circunsis

Sen brou et du tout aneant

Eschec eschec pour le fardis. »

Il s'agit d'une mise en garde contre la potence, sous la forme d'une description des pendus balancés sous le gibet, et dans laquelle on reconnaîtra, sous cette forme jargonnesque, la célèbre Ballade des pendus. On traduira :

« Sur le gibet c'est la Grande Assemblée de la Coquille

Où les jobards sont pris au cou et suffoqués

Les valets du bourreau chacun selon son crime

En empoignent et saisissent cinq ou six

Là les pipeurs sont placés au plus haut bout

Tout en haut dans la pluie et le vent

Tenez-vous à l'écart des coffres massifs

Car les voleurs les oreilles coupées

Sont complètement réduits à néant

Gare gare à la corde. »

Ce jargon jobelin, langage secret des Coquillards, se retrouve dans un certain nombre de mystères : Mistère du viel testament (1450), Mistère de la Passion par Gréban (1460), Mistère de la Passion par Michel (1486), Vie de saint Christophlepar Chevalet (1527). On sait qu'il s'agit de scènes de la Passion jouées sur le parvis de la cathédrale avec grand concours d'acteurs et de foule. Des soldats, des marchands, des bateleurs, un forgeron forgeant les clous de la croix, etc., apparaissent avec le costume, les mœurs, le langage des gens du temps. Tels sont les voleurs qui parcourent la foule et dialoguent en jargon jobelin. C'est la langue aussi des larrons de la Passion ainsi que celle du bourreau et de ses aides.

Voici, à titre d'exemple, un passage extrait du Mistère de la Passion Jésus-Christ (1496), au cours duquel des voleurs projettent un vol :

griffon

Dieu gard les gueux de fier plumaige

Comme se compassent millours 

dragon

Estoffés, moussus, sains, drus, gours.

brayart

Où brouent ilz present sur la sorne ?

gadifert

Nous allons donner sur la corne

A quelque duppe.

orillart

Est-il haussaire ?

claquedent

Est-il gourt ?

malchus

Mais mince de caire

Il n'a tirandes ne endosse

Aubert, temple, ne pain, ne poulce

Le marmyon est tout a sec

rouillart

Nous y allons luer au bec

Pour le vendanger à l'effray.

Ainsi Dédé la Gamberge et le Gros Léon pourraient-ils aujourd'hui monter un coup, et dans les mêmes termes, car certains n'ont pas changé (dupe, iaire, aubert, sorne, endosse).

Comme type littéraire toutefois, le voleur est à l'origine éclipsé par le truand et le gueux ; en revanche, à partir du xviiie siècle, se constitue le mythe du criminel en lutte contre la société. Cartouche apparaît comme le premier de ces héros de la pègre. Nous le voyons dans sa prison, visité par la maréchale de Boufflers et par un énigmatique personnage, « sorte de riche marchand fourré de martre », qu'on dit être le Régent lui-même. Le Théâtre-Français met en scène ses aventures dans une comédie intitulée Cartouche, ou les Voleurs (1721) et, un siècle et demi plus tard, le théâtre de la Gaîté montera encore un Cartouche en cinq actes et huit tableaux de Donnery et Dugué (1858).

L'œuvre la plus caractéristique de ce cycle reste Le Vice puni, ou Cartouche, poème héroïque, comique et tragique, en treize chants, de Grandval (1726). Le texte compte un glossaire qui est un important témoignage sur le jargon du xviiie siècle. Témoignage aussi de l'attrait et de l'intérêt qu'il suscite. En effet, les auteurs de Cartouche, ou les Voleurs obtiendront l'autorisation de pénétrer dans la prison pour assister[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Nice

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