ARIANE À NAXOS (R. Strauss)
Entre pastiche et métamorphose
À travers ses thèmes, pastichant l’opera seria et le jeu baroque de la mise en abyme du théâtre dans le théâtre, son effectif orchestral réduit et son écriture vocale virtuose, il paraît évident que le charme puissant d’Ariane à Naxos, plus encore que celui du Chevalier à la rose, réside en son essence néo-mozartienne. Pourtant, la nature ludique et référentielle de cet ouvrage raffiné ne doit pas occulter le fait que le compositeur et son librettiste y ont inséré des thèmes esthétiques et philosophiques qui leur sont particulièrement chers. Pour Strauss, cela se manifeste dans le goût pour l’œuvre réflexive, lorsque l’opéra devient son propre thème. Cette inclination, en laquelle certains voient un trait caractéristique de la postmodernité, présente l’intérêt de mettre en scène une interrogation sur ce qui fait l’essence de l’opéra, sans jamais que son auteur ne se départisse d’un ton léger et badin, celui d’un « capriccio ». Pour Hofmannsthal, Ariane à Naxos met en scène ce thème de la métamorphose qui lui est si cher, métamorphose d’Ariane ou du théâtre, dont Zerbinette représente la piquante allégorie, et qui est « la vie de la Vie [...], le mystère de la Nature saisie dans son acte créateur ». La richesse de ces ambitions, chez deux artistes aux univers si distincts mais capables d’une forte émulation réciproque, explique le caractère à la fois étrange et séduisant de cet opéra.
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Écrit par
- Timothée PICARD : ancien élève de l'École normale supérieure et de Sciences Po Paris, assistant à l'université Marc Bloch (Strasbourg), critique musical
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