MNOUCHKINE ARIANE (1939- )
Le théâtre et la cité
Autres « piliers » depuis plus de vingt ans, Liliana Andreone, Nathalie Thomas, Marie-Hélène Bouvet, Myriam Azencot rappellent que la réussite du Théâtre du Soleil, si elle ne saurait se comprendre sans la personnalité exceptionnelle d'Ariane Mnouchkine, est aussi le fruit de la complicité d'une équipe experte dans tous les domaines. S'ancrant dans l'actualité et dans l'histoire, affirmant depuis toujours son refus d'un théâtre d'image, tout en évitant les pièges de l'agit-prop, le Théâtre du Soleil s'est interrogé sur les rapports du citoyen à la cité (Les Atrides), ou a posé la question de la responsabilité du politique à l'heure du scandale du sang contaminé (La Ville parjure). Et soudain des nuits d'éveil évoque le Tibet occupé par la Chine mais est également le fruit de l'engagement de la troupe en faveur des sans-papiers. En refusant de considérer la scène comme un espace à part, ce spectacle s'inscrit dans une suite d'actions comme la création de l'A.I.D.A. (Association internationale de défense des artistes victimes de la répression dans le monde) en 1979, ou la grève de la faim menée lors de la guerre en Bosnie.
En s'appuyant sur l'histoire de la Chine ancienne, Tambours sur la digue porte au plus haut l'idée de spectacle collectif. Cette fable « pour acteurs et marionnettes » contient la quintessence de ce qui constitue le travail du Théâtre du Soleil, tant au niveau du jeu des acteurs que des voix, du rôle de la musique que des signes, de la nécessité d'être en prise direct avec l'actualité que de célébrer les arts de la scène dans ce qu'ils ont de plus magique. Un propos qui se poursuit avec Les Éphémères (2006), voyage du bout du quotidien, avec ses joies, ses douleurs, ses rêves et ses espoirs, puis avec Les Naufragés du fol espoir (2010), somptueuse rêverie sur l’Histoire et les utopies qui ont marqué le xxe siècle. Quant au cinquantième anniversaire de la fondation du Théâtre du Soleil, il sera marqué par un retour à Shakespeare, avec Macbeth (2014).
Véritable « ambassadeur » du théâtre français, comme le fut jadis la Compagnie Renaud-Barrault, le Théâtre du Soleil est la troupe française la plus célébrée dans le monde, courant les festivals et les capitales au rythme de spectacles rassemblant facilement plus de cent mille spectateurs en fin de tournée.
Paradoxalement, le Théâtre du Soleil a parfois fait figure de « phalanstère » ou de « citadelle ». L'image est fausse. Fidèle dans ses amitiés comme dans ses partis pris, il s'ouvre régulièrement à d'autres créateurs – d'André Benedetto qui présenta un mémorable Robespierre à Eugenio Barba et son Odin Teatret, accueillis à la fin de l'année 2000 avec Mythos et Ode au progrès, sans oublier les invitations faites à des troupes de musiciens, d'acteurs ou de danseurs orientaux... Il est vrai qu'après les départs de figures historiques qui ont trouvé leur propre voie (Philippe Caubère, Philippe Léotard, Jean-Claude Penchenat et le Théâtre du Campagnol...), ceux qui quittèrent ensuite la troupe ont souvent eu du mal à trouver leur place sur d'autres scènes. Pourtant, on assiste depuis quelques années à un mouvement inverse. Peu à peu, toute une génération de « fils du Soleil » se dessine, formée en son sein, nourrie de ses enseignements, mais capables d'imposer leur empreinte originale dans l'acte de création. C'est le cas de Hugues Massignat, auteur d'une mise en scène très fine de Cendres et cailloux, pièce du Québécois Daniel Danis, proposée d'abord dans le cadre des Chantiers de Blaye puis au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis en mai 2000 ; c'est le cas de Paul Golub tenant le pari de jouer tout Hamlet sur le mode du théâtre de tréteaux[...]
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Écrit par
- Didier MÉREUZE
: journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à
La Croix
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Médias
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