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FAKINOS ARIS (1935-1998)

Écartelé entre la Grèce et la France, Aris Fakinos avait l'habitude de dire qu'il passait son temps « entre la France où [il réside] et la Grèce où [il vit] ». Frondeur dans l'âme, il a choisi un exil volontaire qui a fait son originalité « d'animal déraciné ».

Né en janvier 1935 à Maroussi, dans la banlieue nord d'Athènes, il fait partie d'une jeunesse perdue, grandie dans une Grèce qui n'en finit pas de se remettre de sa guerre civile. Il est trop jeune pour rejoindre les maquis qui se forment entre 1946 et 1949, et son adolescence se passe dans une atmosphère où dominent l'esprit de revanche royaliste et la rigidité culturelle.

En 1957, durant son service militaire, qu'il accomplit en Crète à l'école des officiers de réserve de l'infanterie, il se lie d'une amitié indéfectible avec Vassilis Vassilikos, le futur auteur de Z. Tous deux n'hésiteront pas à faire le mur pour assister aux funérailles de l'écrivain Nikos Kazantzakis. Individualiste, Fakinos ne s'engage pas dans les partis ou les groupes politiques qui tentent tant bien que mal de faire avancer la démocratie en Grèce, surtout dans les années 1961-1964.

Professeur à l'institut français de Kalamata puis d'Athènes jusqu'en 1964, Fakinos se lance ensuite dans l'écriture et le journalisme. Il publie alors son premier livre, J'ai crié. Quelques mois après le coup d'État des colonels en avril 1967, il s'exile en France et rejoint rapidement l'agence de presse résistante Athènes Presse Libre. Là, il participe à la rédaction du Livre noir de la dictature en Grèce avec le journaliste Richard Soméritis et l'écrivain gréco-français, Clément Lépidis (Paris, 1969).

Désormais, tous ses livres seront publiés en France puis en Grèce ; d'abord à cause de la dictature (ses livres sont interdits jusqu'en 1974). Mais par la suite ce frondeur préférera garder ses habitudes, d'autant qu'il se montrera fort critique avec la Grèce postdictatoriale. En 1969 sort son premier roman « franco-grec » : Les Derniers Barbares, publié en 1979 à Athènes chez Kastaniotis. En 1972, il publie Zone de surveillance et s'éloigne d'Athènes Presse Libre pour fonder sa propre revue, Exodos, où il milite pour la lutte armée et dénonce la « bourgeoisie grecque » et « l'impérialisme américain ».

Au retour de la démocratie en juillet 1974, Fakinos ne rentre pas en Grèce comme la plupart de ses concitoyens. Producteur à Radio France, il s'occupe pendant vingt-trois ans de musique traditionnelle. En même temps, il devient chroniqueur au quotidien grec de centre gauche Ta Néa. En 1976, il rompt avec ses habitudes en publiant directement en Grèce Les Hors-la-loi. Mais, la même année, il revient à la tradition en faisant paraître au Seuil Les Rats de Hambourg. L'Homme qui donnait aux pigeons sort chez le même éditeur en 1980. La version grecque paraîtra quatre ans plus tard. En 1982, toujours au Seuil, il publie Récit des temps perdus, premier roman traduit par sa compagne Roselyne Majesté-Larrouy. Trois ans plus tard vient L'Aïeul puis, en 1989, Les Enfants d'Ulysse. En 1992, Fakinos commence une trilogie, réflexion sur la mémoire collective du peuple grec, mémoire qu'il a toujours aimé lier à la mémoire individuelle. Pour lui, le sort des individus est lié au devenir historique. D'où l'importance des sources historiques et de la tradition orale dans son œuvre.

La Citadelle de la mémoire sort en 1992, suivie de La Vie volée (1995) et du Songe de Nikitas, maître-ouvrier (1998).

Aris Fakinos est mort le 3 mai 1998 à Montreuil.

— Christophe CHICLET

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Écrit par

  • : docteur en histoire du xxe siècle de l'Institut d'études politiques, Paris, journaliste, membre du comité de rédaction de la revue Confluences Méditerranée

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