BOUCICAUT ARISTIDE (1810-1877)
Il est significatif que son nom ne figure pas dans le Dictionnaire des contemporains de Vapereau qui fait état de toutes les gloires de l'époque, alors qu'il est devenu pour nous un personnage presque légendaire : l'homme qui s'est fait lui-même, qui a introduit de nouveaux procédés de distribution et de vente, qui a uni les qualités du travailleur et les audaces du capitaliste. Né dans le Perche, Aristide Boucicaut est un marchand forain, un vendeur de casquettes qui « monte » à Paris. Il se marie en 1835 avec une Bourguignonne simple qui sait à peine lire. Il est bientôt propriétaire du magasin Au Bon Marché, dont le chiffre de vente passe, en onze ans, de 450 000 à 7 millions de francs. Le magasin n'est pas mieux situé qu'un autre : plutôt moins bien, à l'angle de la rue de Sèvres et de la rue du Bac ; mais le client est roi. Il peut entrer et sortir sans acheter ; les prix sont marqués ; les articles qui ne conviennent pas peuvent être repris ; des expositions de blanc sont lancées pendant la morte-saison. Méthode peut-être américaine mais adaptée à une clientèle française qui est « près de ses sous ». En septembre 1869, Boucicaut pose la première pierre de magasins plus vastes dont la construction est confiée à Eiffel. À sa mort, son chiffre d'affaires est de 77 millions de francs, mais l'entreprise ne disparaît pas avec lui ; elle est poursuivie par sa veuve qui joint à des qualités de femme d'affaires celles d'une femme de cœur, donnant à Pasteur 100 000 francs-or pour ses travaux. Ce type de grand magasin que le petit commerce a parfois redouté, que Zola a dépeint dans Au Bonheur des dames, a été un élément essentiel de la civilisation urbaine jusqu'à ces derniers temps où de nouvelles formules tendent à le remplacer et, pourquoi ne pas le dire, une condition du progrès économique et social. C'est dans cette perspective que l'on mesure le rôle de Boucicaut.
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Écrit par
- Pierre GUIRAL : professeur à l'université de Provence
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