ARISTOPHANE (445-380 av. J.-C.)
Aristophane est le plus grand poète comique grec. Ses comédies, qui peuvent paraître, avec leur fantaisie verbale et leurs outrances grossières, destinées à faire rire la populace, témoignent d'une attitude franche et réfléchie en face des problèmes qui se posaient à ses contemporains : elles expriment les convictions profondes d'un citoyen engagé dans la vie politique et attentif au mouvement des idées.
Un dramaturge engagé
Aristophane, né à Athènes sans doute en 445 avant J.-C., fit représenter sa première comédie, Les Banqueteurs, où, semble-t-il, il raillait l'éducation des sophistes, en 427, sous un nom d'emprunt, comme la deuxième, Les Babyloniens, dirigée contre le démagogue Cléon, en 426. La plupart de ses pièces ont été publiées pendant la guerre du Péloponnèse, qui dura de 431 à 404, et elles sont profondément marquées par l'actualité. Elles appartiennent à ce que l'on a appelé la comédie « ancienne », dont la structure complexe est illustrée par une mise en scène à grand spectacle. Le chœur participe à l'action avec animation et, dans une sorte d'intermède, la parabase, dépouillant son déguisement grotesque, s'avance vers les spectateurs et leur adresse, sur un ton sérieux, un grave discours au nom du poète, qui donne à ses concitoyens des conseils de morale et de politique. Les personnages les plus en vue ne sont pas ménagés et sont parfois représentés dans les postures les plus ridicules.
Les deux dernières comédies conservées, L'Assemblée des femmes (392) et le Ploutos (388), postérieures à la guerre, sont d'un genre différent et on les rattache à ce qu'on appelle parfois la comédie « moyenne » : on n'y trouve plus d'invectives directes contre les personnalités en place et, le rôle du chœur devenant de moins en moins important, la part du spectacle s'y trouve aussi réduite.
Il semble qu'Aristophane mourut vers 380 après avoir fait jouer 44 pièces, dont 11 seulement ont subsisté. Si les dates de sa vie sont incertaines, les détails n'en sont guère mieux connus, sinon par les rares allusions qu'il y fait lui-même dans son œuvre. Une inscription du début du ive siècle atteste qu'Aristophane, du dème de Kydathénée, fut prytane de la tribu Pandionis ; elle permet donc de réfuter les hypothèses d'après lesquelles il n'aurait pas été un citoyen à part entière. Mais on ne sait rien ni de ses attaches politiques ni de ses activités de citoyen, en dehors de ce qu'en révèlent ses comédies.
Pour en comprendre l'esprit, il faut se représenter le climat de guerre dans lequel elles ont vu le jour. Menacés par les continuelles incursions des Lacédémoniens, les paysans de l'Attique avaient abandonné leurs terres et s'étaient réfugiés autour de la ville, à l'abri des Longs-Murs. Une guerre qui se prolonge pendant près de trente ans, avec ses alternatives de succès et de revers, ses transferts de populations et ses massacres, entraîne normalement un enchaînement de crises, économique, politique, morale.
Aristophane prend position devant cette crise de la conscience athénienne : il lutte de toutes ses forces contre la guerre ; il dénonce ce qu'il en considère comme la cause directe, la décadence politique due à l'action des démagogues ; il rend enfin responsable de cette décadence la crise morale provoquée par les corrupteurs de la jeunesse et du peuple que sont les intellectuels du clan de Socrate ou d'Euripide. En face de ces novateurs, son attitude est celle d'un conservateur : son esprit s'accorde bien avec celui des paysans attachés à leur vie de travail paisible, méfiants à l'égard des beaux parleurs de la ville, hostiles aux idées neuves. C'est à ces vieux Athéniens, qui travaillent dur et vivent sobrement toute l'année pour faire bombance et déchaîner leurs instincts[...]
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Écrit par
- Jean DEFRADAS : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à la Faculté des lettres et sciences humaines de Lille
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