ARISTOPHANE (445-380 av. J.-C.)
La lutte pour la paix
L'amour de la paix s'exprime surtout dans Les Acharniens (425), La Paix (421) et Lysistrata (411). On y retrouve des thèmes communs. Les causes de la guerre y sont raillées comme futiles ; le rôle des profiteurs de guerre, des généraux et des fabricants d'armes y est stigmatisé. La paix est célébrée pour toutes les joies qu'elle apporte, la vie tranquille à la campagne, la bonne chère, les réunions joyeuses et les plaisirs de l'amour. On aurait pu reprocher à Aristophane d'évoquer en pleine guerre ce qu'il y a de plus égoïste et de plus sensuel dans les bienfaits de la paix : mais on doit plutôt le louer d'avoir reconnu et proclamé avec franchise et courage ce qu'il y avait d'absurde dans ces guerres où les cités grecques s'entre-déchiraient sans défendre d'autre idéal que leur impérialisme respectif.
« Les Acharniens »
La guerre faisait rage depuis six ans, l'Attique était ravagée par les Lacédémoniens, des succès partiels entretenaient l'esprit guerrier quand Aristophane présenta au concours Les Acharniens. Le dème d'Acharnes était un de ceux qui avaient le plus souffert et ses habitants en voulaient particulièrement aux Lacédémoniens. C'est dans ces conditions qu'un brave Athénien, Dicéopolis, voyant que l'assemblée du peuple ne consent pas à discuter de la paix, conclut en son nom personnel une trêve avec l'ennemi et réussit, au milieu du monde en guerre, à jouir de la paix et de ses avantages. Pour réussir à établir sa trêve personnelle avec les Lacédémoniens, il doit triompher du chœur, une troupe de charbonniers d'Acharnes, qui ont essayé de s'opposer à lui dans une violente bagarre. Il connaît alors l'abondance et la félicité, parmi ses concitoyens plongés dans la misère. Dans une suite de scènes bouffonnes jusqu'à l'obscénité, il reçoit un Mégarien et un Béotien venus lui apporter des marchandises précieuses que le blocus empêchait alors de parvenir à Athènes ; un général et un sycophante sont au contraire mis dans des situations ridicules et outragés, et la pièce s'achève dans une orgie de plaisirs.
« La Paix »
La Paix fut jouée quatre ans plus tard. La guerre et les souffrances avaient continué, mais les deux chefs les plus acharnés, l'Athénien Cléon et le Spartiate Brasidas, venaient de trouver la mort à Amphipolis. Des négociations étaient en cours, qui devaient aboutir, quelques jours après la représentation, à la conclusion de la paix de Nicias. Aristophane, en célébrant la paix, ne se heurtait donc plus cette fois à l'opinion publique : il ne remporta pourtant pas le premier prix qui fut attribué à Eupolis pour sa comédie Les Flatteurs, dont le sujet n'était pas politique.
La Paix commence par une scène à la fois pittoresque et scatologique : deux esclaves préparent en discutant la nourriture malodorante destinée à un escarbot géant que le vigneron Trygée se propose d'utiliser comme monture afin de s'élever jusqu'au ciel, où il veut aller demander à Zeus de mettre fin à la guerre. Puis, soulevé par une machine, Trygée s'envole jusqu'au sommet des bâtiments du théâtre. Polémos, dieu de la guerre, s'apprête à écraser dans un mortier tous les peuples grecs, mais il a perdu son pilon, c'est-à-dire Cléon ; en attendant qu'il en retrouve un autre, Trygée invite les paysans de tous les pays à s'unir pour retirer en hâte la Paix du fond d'une caverne où elle a été enfouie. Dans une scène vivante, ils se mettent tous à tirer avec enthousiasme sur un câble, et cette image des peuples jusque-là ennemis, collaborant fraternellement, ne manque ni de générosité ni de grandeur. Ayant atteint ce sommet, la pièce continue par une suite de scènes qui sont comme autant de divertissements, un sacrifice d'actions de grâces, un entretien avec le diseur d'oracles et le marchand d'armures,[...]
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Écrit par
- Jean DEFRADAS : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à la Faculté des lettres et sciences humaines de Lille
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Média
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