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ARISTOPHANE (445-380 av. J.-C.)

La lutte contre les démagogues

« Les Cavaliers »

La lutte contre la guerre est le thème majeur des trois comédies qui précèdent. On le retrouve dans les autres pièces puisqu'il était toujours d'actualité. Mais on ne peut lutter contre la guerre sans dénoncer les fauteurs de guerre, et, au premier rang de ceux-là, se trouvaient les démagogues, dont Cléon, chef du parti démocratique jusqu'en 421, est le plus en vue. Violemment pris à partie dans Les Babyloniens, Cléon, qui jouissait d'une grande autorité, avait voulu se venger d'Aristophane en le poursuivant devant le Conseil et il avait failli le faire condamner. Aussi fut-il de nouveau attaqué dans Les Acharniens et plus vivement encore, en 424, dans Les Cavaliers.

À ce moment, la guerre battait son plein et une troupe de trois cents Spartiates enfermée dans l'île de Sphactérie, en face de Pylos, venait d'être réduite par un coup d'audace de Cléon qui tira de ce succès un regain de popularité et excita de plus belle les Athéniens à poursuivre la guerre. Prenant pour cible le démagogue au comble de sa gloire, le poète lui oppose le chœur des cavaliers : ceux-ci, choisis dans la meilleure société athénienne, formaient un corps d'élite qui venait de se distinguer dans des combats près de Corinthe.

Le nom de Cléon n'est pas prononcé dans la pièce et le démagogue est mis en scène sous le masque d'un esclave paphlagonien – dont le nom générique évoque le caractère bouillonnant – au service du bonhomme Démos, allégorie du peuple athénien. Le Paphlagonien maltraite les bons serviteurs, qui portent les masques des généraux Nicias et Démosthène, et se fait valoir auprès de Démos à leurs dépens : comme Cléon a dérobé à Démosthène le succès préparé par celui-ci à Pylos, le Paphlagonien gave Démos en lui donnant les plats préparés par les autres esclaves. Ceux-ci vont se venger de lui et, lui subtilisant pendant son sommeil des oracles qu'il détient, ils apprennent qu'il doit être supplanté par un individu pire que lui, un marchand de boudin. Alors paraît un charcutier qui, encouragé par le chœur, rosse le démagogue ; celui-ci le poursuit devant le Conseil et devant Démos lui-même, mais il a chaque fois le dessous et tombe en disgrâce malgré ses flatteries et ses cadeaux : son maître choisit le charcutier comme intendant. Rajeuni par un procédé magique, Démos reçoit de son nouveau serviteur une belle et jeune femme, la Trêve de trente ans. Cette comédie, entièrement dirigée contre Cléon et sa politique démagogique, l'accuse donc, pour finir, d'être le principal obstacle à la paix.

« Les Guêpes »

C'est contre lui encore qu'Aristophane compose Les Guêpes en 422. Parmi les procédés dont les modérés reprochaient l'institution aux démagogues, les salaires accordés aux citoyens pour leur participation aux séances des tribunaux populaires étaient l'objet des plus vives critiques. Si les pauvres y gagnaient de pouvoir exercer leurs droits de citoyens à égalité avec les riches, on les accusait d'y chercher un gagne-pain et de voir favorablement se multiplier les procès : cette institution allait de pair avec le rôle grandissant des sycophantes.

Or Cléon, en 424, venait de porter de une à trois oboles le salaire des juges. Le chœur des héliastes, juges des tribunaux athéniens, est déguisé en guêpes, leur aiguillon représentant le stylet, avec lequel ils tracent la ligne de condamnation. Le personnage principal s'appelle Philocléon, c'est-à-dire « ami de Cléon » : il est pris de la manie de juger et se conduit comme un fou furieux. Son fils Bdélycléon, « ennemi de Cléon », l'a enfermé chez lui et veut le guérir de sa maladie. Agrémenté de quelques scènes bouffonnes, le débat entre le père et le fils constitue l'essentiel de la comédie, Philocléon célébrant ses fonctions de juge comme[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à la Faculté des lettres et sciences humaines de Lille

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Aristophane – Athènes - crédits : Bettmann/ Getty Images

Aristophane – Athènes

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