ARISTOTE (env. 385-322 av. J.-C.)
Aristote n'est sans doute pas le philosophe le plus séduisant de l'Antiquité, celui auquel on se reporte le plus volontiers quand on veut remonter aux sources de ce que les Grecs ont nommé la « sagesse ». Mais nul n'a marqué autant que lui la philosophie et la science des siècles suivants, peut-être même – et cela jusqu'à nos jours inclusivement – la civilisation qu'il est convenu d'appeler « occidentale ». Son principal titre de gloire a été de fonder la logique, c'est-à-dire cet ensemble de règles contraignantes qui permettent de faire du discours (logos) l'usage le plus cohérent et, par là, le plus efficace. Plus préoccupé que Platon de définir et d'administrer le langage, il a su en faire l'instrument (organon) d'une pensée capable de se dominer elle-même et, par là, d'imposer sa loi à la nature. Penseur encyclopédique, il a su à la fois reconnaître la spécificité des différents savoirs, au progrès desquels il a lui-même contribué, et l'unité proprement humaine du discours qu'ils mettent en œuvre. Esprit organisateur et classificateur, il a énoncé les catégories qui structurent le langage et la pensée de l'homme.
On pourra estimer, au cours des siècles, que le système aristotélicien, devenu au Moyen Âge l'armature de toutes les scolastiques chrétiennes et musulmanes, a figé le progrès de la pensée. Mais il reste que ce système, en dépit de ses imperfections, a été le modèle de toute systématisation future. Et l'on n'a pas assez remarqué que, dans un domaine essentiel et souvent mal compris de sa philosophie, la métaphysique, Aristote a lui-même démontré l'impossibilité dernière de ramener l'être à l'unité, reconnaissant ainsi les limites de tout système, le caractère inachevé de toute synthèse et l'irréductibilité de la pensée de l'être à la pure et simple administration, scientifique et technique de ce qu'il y a en lui d'objectivable.
Vie d'Aristote
Aristote est né en 385 ou 384 à Stagire, petite ville de Macédoine, non loin de l'actuel mont Athos. Son père Nicomaque était le médecin du roi Amyntas II de Macédoine (le père de Philippe) et descendait lui-même d'une famille de médecins. Cette origine explique peut-être l'intérêt d'Aristote pour la biologie et, en tout cas, ses relations avec la cour de Macédoine.
En 367 ou 366, Aristote va faire ses études à Athènes et devient à l'Académie l'un des plus brillants disciples de Platon. Sorte de répétiteur ou d'assistant, réputé pour sa passion de la lecture (Platon l'appelait, peut-être avec quelque condescendance, « le liseur »), il collabore un peu plus tard à l'enseignement et publie lui-même des dialogues comme le Gryllos ou De la rhétorique(dirigé contre l'école rivale d'Isocrate), qui développent, en les exagérant même parfois (comme dans Eudème ou De l'âme), des thèses platoniciennes.
En 348, Platon meurt. Il a désigné comme successeur à la tête de l'école son neveu Speusippe. Dès l'Antiquité, des biographes malveillants ont attribué à ce choix de Platon la véritable cause de la rupture d'Aristote avec l'Académie. Aristote en gardera du moins une rancune solide contre Speusippe. La même année, peut-être sur l'instigation de son maître, Aristote avait été envoyé avec Xénocrate et Théophraste à Assos, en Troade, où il devint le conseiller politique et l'ami du tyran Hermias d'Atarnée. Parallèlement, Aristote ouvre une école, où il affirme déjà son originalité. Il y entreprend, entre autres, des recherches biologiques. En 345-344, Aristote, peut-être sur l'invitation de Théophraste, se rend dans l'île voisine de Lesbos, à Mytilène.
En 343-342, il est appelé à Pella, à la cour du roi Philippe de[...]
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Écrit par
- Pierre AUBENQUE : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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