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ARISTOTE (env. 385-322 av. J.-C.)

La logique et les autres arts du langage

La logique

Le nom de logique n'est pas aristotélicien, mais remonterait, selon Sextus Empiricus (Adv. Math., VII, 16), à l'académicien Xénocrate. Les platoniciens – Aristote nous le rappelle dans un texte remontant à une période ancienne de son œuvre (Top., I, 14, 105 b 20) – distinguaient trois sortes de propositions et de problèmes : éthiques, physiques, dialectiques (ou logiques). Cette tripartition se retrouvera dans les classifications stoïcienne et épicurienne du savoir. Mais Aristote lui en préfère une autre, selon laquelle il distingue philosophie théorique, philosophie pratique (éthique, politique) et philosophie poétique(celle qui s'occupe de la production, poièsis, en particulier d'œuvres d'art) et subdivise à son tour la philosophie théorique en théologie, mathématiques et physique (Mét., E, 1, 1026 a 13). Cette division aristotélicienne du savoir se caractérise par l'absence, à première vue étonnante, des deux disciplines à l'instauration et au développement desquelles Aristote a précisément attaché son nom : la métaphysique et la logique.

De la première absence nous essaierons plus loin de proposer une explication. Quant à l'omission de la logique, on a cru en trouver la raison dans un texte, à vrai dire obscur, de la Métaphysique (Γ, 3, 1005 b 25), selon lequel l'étude de l'analytique (théorie du raisonnement) devrait précéder celle des autres sciences. Les commentateurs des premiers siècles de l'ère chrétienne diront plus clairement que la logique n'est pas une science, mais un instrument, organon, de la science (d'où le titre d'Organon que l'on donnera à l'ensemble des écrits logiques d'Aristote). Cette façon de s'exprimer est sans doute plus exacte que celle de Ravaisson (1837), selon laquelle la logique ne serait pas une science, mais la forme de la science ; car Aristote n'est jamais parvenu à l'idée claire d'une logique formelle, impliquant une séparation rigoureuse de la forme du discours et de son contenu, au sens où l'entendront les modernes.

Il reste qu'Aristote a attaché une attention particulière au langage, logos, le langage étant selon lui la différence spécifique de l'espèce humaine : l'homme est le ζ̃ώον λ́ογον ε'́χον, expression dont la tradition a fait animal rationale, animal raisonnable, mais qui signifie originellement que l'homme est l'animal qui a la parole. Dans cet intérêt accordé au langage pour lui-même, Aristote avait eu pour précurseurs les sophistes : en accumulant les arguments, voire les arguties, non « par suite d'un embarras réel », mais « pour le plaisir de parler » (Mét., Γ, 5, 1009 a 16-22), les sophistes avaient révélé la puissance propre du discours, capable non seulement d'exprimer, mais aussi de dissimuler les rapports réels. Certes, Aristote, comme Platon, ne professe que mépris pour l'immoralisme des sophistes. Mais il est permis de penser que la mise entre parenthèses immoraliste de la vérité du discours a mis Aristote sur la voie de sa mise entre parenthèses méthodologique.

La rhétorique

Très remarquable à cet égard est la Rhétorique d'Aristote, que la tradition n'a pas rangée dans l'Organon, mais qui n'en est pas moins une partie importante de la théorie du logos. À la différence du discours dialectique, qui s'adresse à l'homme en tant seulement qu'il peut répondre à ce qu'on lui dit, c'est-à-dire à l'homme en tant que parlant, le discours rhétorique s'adresse à l'homme total, capable de jugement, mais aussi de passions, que, selon les circonstances, l'orateur doit savoir apaiser ou, au contraire, exciter. C'est pourquoi Aristote divise la rhétorique en trois genres, non pas tant d'après le contenu[...]

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