AUGÉR ARLEEN (1939-1993)

La soprano américaine Arleen (Joyce) Augér a accompli l'essentiel de sa carrière en Europe. Elle naît à Long Beach (Californie), le 13 septembre 1939, et fait ses études à l'université de sa ville natale entre 1957 et 1963 ; elle y travaille notamment la musicologie. Puis elle se consacre au chant et travaille avec Ralph Errolle à Chicago à partir de 1965. Elle chante surtout en concert et débute à l'opéra dans les rôles de Gilda (Rigoletto) et de la Reine de la nuit (La Flûte enchantée). Elle remporte, à Los Angeles, le concours Victor-Fuchs, qui lui permet de venir se perfectionner en Europe. Elle est alors engagée à l'Opéra de Vienne, où elle fait des débuts très remarqués dans le rôle de la Reine de la nuit en 1967, sous la direction de Josef Krips. En 1968, elle obtient la bourse Martha-Baird décernée par le Rockefeller-Fund for Music de New York. Elle apparaît pour la première fois sur la scène du New York City Opera dans le même rôle, en 1969. Rapidement, elle est invitée par les plus grands opéras allemands : Hambourg (1970), Munich, Francfort-sur-le-Main, Cologne... En 1971, elle est nommée professeur à l'université Goethe de Francfort, puis se spécialise, à partir de 1974, dans les cantates, passions et oratorios de Bach, qu'elle chante et enregistre sous la direction de Helmuth Rilling (plus de quarante 33-tours !), leur collaboration débutant à l'occasion d'une tournée au Japon. Elle devient une habituée du festival de Salzbourg et débute à la Scala de Milan en 1975 (L'Enfant et les sortilèges de Ravel), puis au Metropolitan Opera de New York en 1978 dans Marceline (Fidelio). Elle chante également aux festivals de Bayreuth et d'Aix-en-Provence. L'Amérique l'appelle et, à partir de 1983, elle se produit régulièrement au festival d'Aspen, au New England Bach Festival et, en 1984, à Louisville, où elle incarne Donna Anna (elle avait auparavant chanté Donna Elvira). En 1985, elle obtient un triomphe dans le rôle titre d'Alcina de Haendel à Londres, qui sera renouvelé l'année suivante à Los Angeles et en 1990 à Paris et à Genève, sous la direction de William Christie. En 1986, elle participe aux cérémonies du mariage du prince Andrew, à l'abbaye de Westminster, à Londres, et, en 1991, au concert commémoratif pour le bicentenaire de la mort de Mozart, à la cathédrale Saint-Étienne de Vienne. Elle donne également des récitals de lieder et de mélodies. Sa carrière est prématurément interrompue par un cancer ; elle meurt à Amsterdam, le 10 juin 1993.

L'originalité de sa voix — soprano lyrique coloratura — explique la diversité de son parcours musical : sa limpidité au lyrisme un peu sensuel et une technique irréprochable lui permettaient d'être aussi à l'aise dans les rôles de vélocité vocale que dans des parties plus lyriques. Sa collaboration avec Helmuth Rilling lui a permis d'aborder avec la même réussite l'opéra baroque ou Monteverdi. Elle a également incarné les principales héroïnes de Mozart (Constance, Donna Anna et Donna Elvira, la Comtesse, la Reine de la nuit), certains rôles de Richard Strauss et de Massenet, mais a toujours réservé la majeure partie de son temps au concert. Elle a créé des œuvres de Gottfried von Einem (Geistliche Sonate, pour soprano, trompette et orgue, 1974) et de Germaine Tailleferre (Concerto de la fidélité, 1982). En dehors des questions de tessiture, on peut rapprocher son profil de carrière de celui de Marilyn Horne.

— Alain PÂRIS