ARMAN ARMAND FERNANDEZ dit (1928-2005)
Arman casse, découpe, accumule et vandalise... Cet artiste iconoclaste fut l'un des piliers du Nouveau Réalisme, éphémère mais très novateur mouvement français d'avant-garde des années 1960 qui comptait aussi dans ses membres des artistes comme Yves Klein, César ou Martial Raysse. Si on peut y déceler une critique de la société de consommation, tout autant qu'une négation de la valeur de la pièce unique, on aurait tort pourtant, de réduire l'oeuvre d'Arman à une simple position rebelle et révolutionnaire. Arman, qui fut d'abord dans sa jeunesse un peintre, conservait, dans ses Accumulations, ses Colères et ses Poubelles, une indéniable dimension esthétique.
Un peintre devenu « nouveau réaliste »
Fils d'un antiquaire niçois, Armand Fernandez (qui prendra pour nom d'artiste son prénom raccourci) s'engage, encore adolescent, dans la Résistance ; le spectacle de sa ville bombardée le frappe. Bachelier, il suit les cours des Arts décoratifs à Nice, puis de l'École du Louvre à Paris, de 1946 à 1949. En 1947, il rencontre à un cours de judo Yves Klein, qui sera son émule jusqu'à sa mort en 1962, puis Pierre Restany, futur théoricien du Nouveau Réalisme. En 1954, la découverte des collages de Schwitters, des tableaux de Pollock et d'un article sur le graphisme dans la revue Art d'aujourd'hui l'éloignent de l'abstraction lyrique de l'École de Paris.
Ce sont les empreintes sur toile qui d'abord l'intéressent : tampons encreurs ou Cachets à partir de 1955, puis en 1956 Allures d'objets obtenues par le déplacement sur le support d'objets imprégnés de liquide.
En 1959, avec ses premières sculptures, on passe à l'objet même... Ou plutôt à l'objet éclaté, résultat de Colères (1961) et d'une relecture détonante du développement cubiste des objets sur le support plan. À des totalités d'objets avec les Poubelles (dès 1959), vision triviale du all over de l'Action Painting. Enfin à des multiplications d'objets – les Accumulations, à partir de 1959 –, version quotidienne de l'itération de plans colorés dans la peinture abstraite, ou des séries d'un Jasper Johns. Arman reste furieusement peintre. Ce sont les énergies de la peinture de son temps qu'il capte et détourne, en adepte des arts martiaux.
En 1960, en exposant Le Plein à la galerie Iris Clert à Paris comme en signant le Manifeste du Nouveau Réalisme, Arman opte pour le « langage de la quantité » (Daniel Abadie). Si l'atelier de Duchamp pouvait, pièce par pièce, accueillir le monde, si le Merzbau de Schwitters était une forme multiple à construire, désormais l'espace est d'emblée saturé. Klein avait posé l'un des termes de l'équation (Le Vide, 1958) : Arman développe l'autre. Par rapport à un tout déjà constitué, il reste, selon lui, à constater : à s'approprier, comme lorsqu'il signe en 1961 une photographie aérienne de New York, faisant d'elle une Accumulation, ou lorsqu'il travaille, de 1967 à 1969, avec les matériaux de la régie Renault ; à détruire, mais pas complètement – d'où les Coupes (dès 1961), qui labellisent une lamelle d'œuvre d'art, ou encore les Combustions (1964) partielles, notamment de meubles de style ; enfin à détourner le trop-plein du monde par le langage.
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Écrit par
- Thierry DUFRÊNE : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-X-Nanterre
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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