CAULAINCOURT ARMAND AUGUSTIN LOUIS marquis de (1773-1827) duc de Vicence (1808)
Né d'un père qui est lieutenant-général de Louis XVI et sera sénateur et comte de Napoléon, Caulaincourt est déjà sous-lieutenant à seize ans ; sous la Révolution, il connaîtra des fortunes diverses (il accompagnera, par exemple, un ambassadeur de la République à Constantinople) avant d'être remarqué par Talleyrand, qui se chargera de sa carrière — une carrière, tout compte fait, bien plus civile que militaire. Dès 1801, Bonaparte l'envoie porter à Saint-Pétersbourg une lettre au tsar ; Caulaincourt conçoit alors pour Alexandre une admiration dont il ne se départira pas. Aide de camp du premier consul, puis inspecteur général des écuries, il est mêlé à ce dernier titre à l'arrestation du duc d'Enghien, que les royalistes lui imputeront toujours âprement, mais où il ne joue vraiment qu'un rôle d'exécutant subalterne ; en 1804, le voici parmi les grands officiers civils de l'Empire comme grand écuyer.
À la fin de 1807, Napoléon en fait son ambassadeur en Russie. Caulaincourt en impose à la bonne société russe par sa belle prestance mondaine, mais ses succès diplomatiques sont moins brillants : trop naïf, déjà envoûté, il ne perce guère les arrière-pensées d'Alexandre. À l'entrevue d'Erfurt, il retrouve Talleyrand, son ancien protecteur ; celui-ci entreprend de le circonvenir pour le faire entrer dans sa trahison, mais ne trouve pas une oreille trop favorable à ses suggestions. Des relations complexes que Caulaincourt continuera d'entretenir avec Talleyrand de 1808 à 1814 on peut retenir que le second a souvent influencé et manœuvré le premier sans lui laisser jamais entrevoir le vrai but de ses intrigues, et que le premier n'a jamais osé dénoncer les menées du second, par lequel il restait subjugué. Le drame de ce faible foncièrement honnête sera de vivre sur le bord de la trahison sans le vouloir et, à la limite, sans presque le savoir.
Rappelé à Paris quand les relations franco-russes approchent de la rupture, Caulaincourt tente en vain de détourner l'empereur de la guerre. Il s'acquitte de ses fonctions de grand écuyer pendant la campagne de Russie ; il est encore dans ses fonctions en accompagnant presque seul Napoléon quand celui-ci décide de rentrer en France aussi vite que possible. Pendant cette folle randonnée en traîneau, Napoléon parle sans cesse et sur tous les sujets ; Caulaincourt écoute et note à chaque étape les propos de son maître ; il en résulte un document impressionnant par sa vie et sa véracité, l'un de ceux, avec les Journaux de Rœderer et de Bertrand, où la pensée et le style napoléoniens semblent le plus fidèlement rendus.
En juin 1813, Napoléon charge Caulaincourt de négocier avec les Alliés, dans l'idée de se concilier Alexandre. L'attitude de Caulaincourt plénipotentiaire est équivoque ; il commet ce qu'il faut appeler au minimum l'erreur de donner aux Alliés maint renseignement sur la disposition des troupes de son empereur ; il laisse voir si clairement et son pessimisme et son désir de paix que ses partenaires s'en trouvent renforcés dans leur intransigeance ; un négociateur plus ferme eût peut-être été plus efficace. Il échoue donc, mais, à l'automne, Napoléon le nomme ministre des Relations extérieures pour prouver sa bonne volonté, puisque Caulaincourt passe pour être « l'homme de la paix ». Cette « colombe » ne sera pas plus heureuse qu'un « faucon » au Congrès de Châtillon au début de 1814.
Mais, à l'heure de tous les reniements, Caulaincourt saura rester chevaleresquement fidèle au maître qu'il n'avait pas servi sans détours. Il négocie pour lui le traité de Fontainebleau qui en fait le souverain de l'île d'Elbe, se retire dignement au retour des Bourbons, rejoint Napoléon pour les Cent-Jours ; mais la situation est telle que, de nouveau ministre[...]
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Écrit par
- Jean MASSIN : écrivain
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