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BOREL ARMAND (1923-2003)

En 1992, le mathématicien Armand Borel a reçu le prix international Balzan « pour ses contributions fondamentales à la théorie des groupes de Lie, des groupes algébriques et des groupes arithmétiques, et pour son action inlassable en faveur de la recherche mathématique et de la propagation des idées nouvelles ». En effet, il excellait tant dans la recherche fondamentale que dans l'animation et l'organisation de petites ou grandes réunions mathématiques, avec un esprit d'ouverture aux idées scientifiques qui se manifestait par de nombreuses collaborations.

Il était né en 1923, en Suisse romande, à la Chaux-de-Fonds. Bien qu'établi aux États-Unis à partir de 1952, il avait gardé de son pays natal des qualités, souvent considérées comme typiques, de sérieux au travail, de bon sens solide, de goût pour la vie au grand air, de hardiesse tranquille. Il avait fait ses études supérieures à l'Institut polytechnique fédéral de Zurich, où étudièrent et enseignèrent tant de gloires scientifiques du xxe siècle : Einstein, Minkowski, Pauli, H. Weyl... Borel y subit l'influence de deux grands géomètres : Heinz Hopf et Eduard Stiefel (il apprit de ce dernier le « kaléidoscope », la technique des systèmes de « racines »). Ses études furent quelque peu retardées par sa mobilisation dans l'armée suisse, de 1942 à 1945. Il occupa ensuite plusieurs postes temporaires, en Suisse, en France et aux États-Unis, jusqu'à sa nomination comme professeur permanent à l'Institute for Advanced Study de Princeton (New Jersey) en 1957. Il y restera jusqu'à sa mort en 2003, après être devenu professeur émérite en 1993.

Le tournant majeur de sa carrière fut l'année universitaire 1949-1950 qu'il passa à Paris comme boursier du CNRS. Il y fit la connaissance des deux grands mathématiciens qui dominaient leur époque, Jean Leray au Collège de France, et Henri Cartan à l'École normale supérieure. Ils avaient mis au point une méthode révolutionnaire, celle des faisceaux, qui bouleversait la géométrie. Dans la tradition zurichoise, Borel s'intéressait avant tout à la théorie des groupes, et à ses applications à la géométrie. Il maîtrisait parfaitement les méthodes dites « globales », qui s'opposent aux méthodes plus algébriques dues à Sophus Lie (« algèbres de Lie »). Il sut appliquer les méthodes nouvelles à la détermination des invariants géométriques (nombres de Betti, torsion) des variétés de groupes et des espaces homogènes. Il découvrit aussi l'importance de certains petits nombres premiers (2, 3...) dans l'étude d'un groupe donné. C'est aussi à Paris qu'il fit la connaissance de Jean-Pierre Serre, Prix Abel 2003, avec lequel il collabora tout au long de sa carrière. Il s'intégra aussi rapidement au célèbre collectif d'auteurs Bourbaki, dont il partagea les années glorieuses (1950-1975) et dans lequel il joua un rôle important par son savoir-faire géométrique, son ardeur au travail et son esprit critique.

La contribution la plus décisive d'Armand Borel, autour de laquelle s'articule tout son travail ultérieur, concerne les groupes algébriques, en collaboration avec Claude Chevalley. Il s'agissait d'un point de vue tout à fait nouveau, qui allait retentir sur la théorie des groupes finis, par exemple, l'aboutissement en étant la classification des groupes finis simples obtenue vers 1980.

Les contributions d'Armand Borel sont fort diverses : sous-groupes discrets des groupes de Lie et groupes arithmétiques, domaines fondamentaux, « forme » des espaces symétriques, classes caractéristiques, volume des espaces homogènes, liens avec les fonctions automorphes, régulateurs, cohomologie des groupes discrets... Ses collaborateurs incluent le gotha mathématique de la seconde moitié du xxe siècle : Jacques[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.E.S., département de mathématiques, École normale supérieure de Paris

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