ARMÉE Doctrines et tactiques
La guerre est devenue au cours des siècles l'affrontement de groupes organisés dotés de moyens de défense et d'attaque de plus en plus perfectionnés. Le champ clos de jadis se transforme en champ de bataille, puis en théâtre d'opération terrestre, maritime, enfin aérien. À mesure que la lutte s'étend dans l'espace apparaît la dissociation entre la tactique (art de combiner les moyens militaires au combat pour en obtenir le meilleur rendement) et la stratégie au sens restreint du mot (art de faire converger les moyens militaires sur le champ de bataille jusqu'au moment du combat). À partir de cette stratégie élémentaire et jusqu'à la stratégie globale de l'État, dont la définition est essentiellement politique, apparaissent différents niveaux. Les Allemands appellent stratégie operativ, ou opérationnelle, celle qui concilie les buts de la stratégie et les possibilités de la tactique et de la technique et qui oriente l'évolution de ces dernières pour les adapter aux besoins de la stratégie. Quant à la stratégie militaire classique, Liddell Hart la définit comme l'art d'employer les forces pour atteindre les résultats fixés par la politique.
Les doctrines militaires, qu'elles soient écrites ou déchiffrées à travers les réalités de la guerre, se situent à ces différents niveaux.
Sur le plan tactique, définissant des techniques de combat, elles ont cherché à combiner d'abord choc et mouvement, puis à introduire le feu dans la manœuvre. Elles tentent actuellement d'articuler celle-ci autour du feu nucléaire. Essayant de prévoir les formes d'un futur conflit afin de déterminer les méthodes et moyens de combat adéquats, elles s'interrogent sur la nature de la guerre, sur les rapports qui existent entre la guerre et la technique, la guerre et la politique. Certaines, privilégiant les facteurs que Clausewitz nomme moraux (idéologiques, politiques, sociaux), mettent l'accent sur les motivations, avouées ou non, des antagonistes et sur l'indispensable harmonie des méthodes et du contenu politique de la lutte. D'autres expliquent l'évolution de l'art de la guerre par les innovations techniques qui déterminent des tactiques appropriées et une certaine stratégie. Jamais une telle opposition de conceptions ne s'est plus vigoureusement manifestée que dans le monde contemporain entre les théoriciens de la guerre nucléaire et ceux de la guerre révolutionnaire.
Quelques constantes
En filigrane à travers les doctrines se dessinent quelques constantes, sortes de vérités fondamentales qui soulignent combien l'essence du combat est la dialectique de deux volontés.
Un des plus anciens théoriciens militaires dont l'histoire ait conservé le souvenir, Sunzi (vie s. av. J.-C.), les avait déjà évoquées. D'un enseignement oral qui est à l'origine de tout l'art militaire chinois jusqu'à Mao Zedong se dégagent les principes suivants : imposer sa volonté à l'adversaire, l'obliger à se disperser ; agir du fort au faible, et en secret, mais être renseigné en permanence sur l'adversaire ; feindre, car tout acte de guerre est fondé sur la duperie (Mao Zedong écrira deux mille ans plus tard : « Tout l'art de la guerre est fondé sur l'art de duper ») ; fondre comme l'éclair quand l'adversaire se découvre, car la rapidité est l'essence de la guerre.
Dans sa correspondance militaire, Napoléon évoquera souvent les grands principes de l'art de la guerre et rappellera qu'Alexandre, Annibal et César leur ont été fidèles, mais, chef antidogmatique, il ne leur donnera jamais une formulation précise.
Par contre, Foch s'est attaché à les réduire à trois principes fondamentaux, qui, par leur abstraction même, peuvent s'appliquer à toutes les stratégies : économie des forces, liberté d'action,[...]
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Écrit par
- Jean DELMAS : docteur habilité à la recherche, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, ancien chef du service historique de l'Armée de terre
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Médias
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