ARMÉE Doctrines et tactiques
De l'Antiquité aux Temps modernes
Choc et mouvement
Il semble difficile de parler de doctrines militaires pour l'Antiquité grecque ou latine, a fortiori pour la période préhellénique. Les Grecs, si lettrés, n'ont laissé à la postérité que peu d'écrits théoriques sur l'art de la guerre. Perdus les traités de tactique dont les auteurs, au nom peu évocateur, sont salués par leurs émules du iie siècle après J.-C., Arrien et Élien. Subsistent, de l'époque hellénistique, les écrits d'ingénieurs alexandrins comme Philon de Byzance et Héron d'Alexandrie, consacrés essentiellement à la poliorcétique, art de prendre des villes.
Chez les Romains, beaucoup moins théoriciens qu'hommes d'action, c'est probablement Caton (234-149) qui, le premier, compose un traité d'art militaire, sorte de règlement du service en campagne.
En réalité, les grands textes militaires de l'Antiquité sont les récits homériques, l'Anabase et la Cyropédie de Xénophon, les Commentaires de Jules César. Les trois derniers, exposés de circonstances et de décisions, n'ont aucune prétention didactique, ne font référence ni à des principes ni à des théories. Mais ces expériences du commandement seront lues et commentées pendant des siècles.
À défaut de textes doctrinaux, la connaissance historique des méthodes de combat permet de dessiner une évolution de la pratique militaire et d'en déterminer les facteurs.
Pendant les trois millénaires qui s'écoulent depuis l'utilisation du cheval à des fins guerrières jusqu'à l'apparition de l'arme à feu, aucune innovation technique n'exerce une influence capitale sur l'évolution de l'art de la guerre. L'essence du combat demeure l'action musculaire d'hommes et de chevaux, le dosage entre ces deux éléments constituant un des facteurs essentiels de la variabilité des combats. Et si les méthodes pour mener la guerre changent, elles le doivent parfois à l'initiative de chefs doués, mais plus sûrement à l'évolution des structures sociales et politiques.
À partir du xviiie siècle avant J.-C., le cheval et le char étendent le champ d'action des armes. L'utilisation du char comme moyen de combat correspond à l'existence de pouvoirs centralisés (Mycènes, Assyrie, Égypte, Chine), qui confient les chars à une caste militaire spécialisée : la « charrerie ». Celle-ci disparaîtra en même temps que l'organisation politique qui l'a fait naître. Le char ne sera plus que le moyen de transport dont parle Homère.
Apparaît ensuite, dans le courant du viie siècle avant J.-C., la phalange, bloc monolithique d' hoplites, formation tactique inédite de soldats citoyens et « égaux » ; sa force de pénétration réside dans le courage collectif, soudé par un entraînement intensif et par une invention mineure, l'antilabé (ἀντιλαβὴ, ou deuxième poignée du bouclier) qui permet de couvrir le voisin de rang. Parfaitement adaptée aux structures de la cité grecque et réagissant sur elles, la doctrine hoplitique impose un combat à base de fantassins non professionnels, car la guerre n'est pas un métier, mais domaine public. On s'en écarte dès lors que sonne le déclin des cités ou que des activités expansionnistes développent les marines, exigent des armées capables de se déplacer loin et longtemps avec des effectifs que seul le mercenariat permettra de satisfaire. Avec Alexandre et les rois hellénistiques, une stratégie à grand rayon d'action apparaît où la cavalerie et parfois les éléphants jouent le rôle décisif au détriment du fantassin. Mouvement et choc sont combinés pour obtenir la décision.
La doctrine d'emploi de la légion semble avoir été plus immuable. Peu imaginatif, le Romain a emprunté la phalange à la Grèce, ses armements à ses[...]
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Écrit par
- Jean DELMAS : docteur habilité à la recherche, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, ancien chef du service historique de l'Armée de terre
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Médias
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