- 1. Le poids des armes
- 2. La spécificité militaire
- 3. L'archétype atténué
- 4. Une spécificité contestée
- 5. La « civilianisation » de l'armée
- 6. La pression sociale
- 7. Pouvoir civil et pouvoir militaire
- 8. L'armée, groupe de pression
- 9. Le complexe militaro-industriel
- 10. Les tâches extramilitaires de l'armée
- 11. L'intervention de l'armée
- 12. Bibliographie
ARMÉE Pouvoir et société
Pouvoir civil et pouvoir militaire
Aux divergences entre l'armée et la société répondent souvent des démêlés avec le pouvoir. Le premier problème est de savoir qui commande : face au pouvoir civil, en principe détenteur d'une souveraineté pleine et entière, le poids des armes et leur spécificité confèrent à l'autorité militaire, dotée de compétences partielles, un pouvoir souvent concurrent. À travers l'histoire, on retrouve constamment les mêmes solutions de ce dilemme, parmi lesquelles, il est vrai, la subordination du soldat, aujourd'hui de règle dans les sociétés avancées, demeure de bout en bout le concept clé.
La confusion des pouvoirs caractérise, dans l'Orient ancien, les grands empires où, comme plus tard, sous Octave Auguste et sous les Francs, la monarchie est militaire ; elle caractérise aussi l'époque féodale qui réunit dans les mains du roi et des seigneurs les deux pouvoirs. Le système est, toutefois, fragile, soit que le pouvoir spirituel se mette de la partie et cherche à le dominer (théorie des deux glaives), soit qu'une caste militaire se forme et tente de le militariser. Le phénomène se présente différemment de nos jours, notamment lorsqu'un général s'empare des rênes de l'État avec ses soldats : le principal intéressé cherche alors à se préserver. Il réalise l'osmose des pouvoirs en sa personne, mais la dénie à ses subordonnés qu'il renvoie à leur métier. Ainsi Napoléon, ou, plus près de nous, en Afrique et ailleurs, nombre de chefs d'État galonnés.
La soumission au pouvoir civil est longtemps, elle aussi, précaire. Elle s'impose à Athènes, voire à Carthage, où les soldats sont très vite renvoyés dans leurs foyers après la guerre, mais aussi à Sparte, cité-caserne où les éphores surveillent la puissance militaire de près. Encore y a-t-il des tyrannies passagères. Quant à la République romaine, si son Sénat réussit, dans l'ensemble, à faire obéir l'armée (cedant arma togae), il ne peut empêcher ni certains consuls en province ni, avec les guerres puniques, certains généraux d'exercer un pouvoir personnel. Pire, sous Marius, le passage à l'armée de métier donne naissance à une classe militaire qui va arbitrer les combats de chefs en attendant de s'investir elle-même. Sylla, Pompée, César, Antoine, Octave s'arrogent le pouvoir par la démagogie et par les armes ; et, quand le dernier nommé, devenu Auguste, le restaure dans son unité, la place prise par l'armée est désormais trop grande pour que l'autorité centrale puisse la circonscrire. Bref, l'absorption du pouvoir civil par les prétoriens conduira finalement à l'anarchie. L'histoire reviendra souvent sur cette actualité.
Après un Moyen Âge chaotique, il faudra attendre l'heure des légistes pour que le pouvoir royal finisse par l'emporter. Successivement s'imposent la séparation des deux pouvoirs, puis le cantonnement de l'armée, enfin sa subordination aux intendants de généralités. Les nobles conservent leur commandement et, pour certains, la propriété de leurs unités, mais ils sont « au service du roi ». L'« ordre guerrier », dont un Condé réclamera la restauration, a cessé d'exister.
Sous la Révolution, le « glaive de la nation brandi par les commissaires aux armées sur la tête des généraux félons » n'empêchera pas Bonaparte d'émerger. En revanche, la Restauration avec la loi Gouvion-Saint-Cyr de 1818, suivie sous la monarchie de Juillet du statut des officiers de 1834, non seulement impose définitivement l'ordre et l'unité à l'armée, au prix d'une discipline tour à tour qualifiée de littérale, totale, ponctuelle ou stricte, mais la fixe dans un cadre juridique qui lui donne de nouveaux traits. C'est la « professionnalisation », concept qui gagne peu à peu toutes[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre DABEZIES : professeur à l'université de Paris-I, ancien président de la Fondation pour les études de défense nationale
Classification
Médias
Autres références
-
AFGHANISTAN
- Écrit par Daniel BALLAND , Gilles DORRONSORO , Encyclopædia Universalis , Mir Mohammad Sediq FARHANG , Pierre GENTELLE , Sayed Qassem RESHTIA , Olivier ROY et Francine TISSOT
- 37 316 mots
- 19 médias
...sont inefficaces et la corruption prégnante. Pourtant, les États-Unis à eux seuls consacrent 47 milliards de dollars pour équiper, entraîner, financer l’Armée nationale afghane (ANA) entre 2005 et l’été de 2019. Dès lors que la mission d’entraînement de l’OTAN est considérablement réduite après 2014,... -
ALFONSÍN RAÚL (1927-2009)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 528 mots
Raúl Alfonsín, premier président argentin élu démocratiquement après la sanglante dictature militaire de 1976-1983, est mort d'un cancer, le 31 mars 2009 à Buenos Aires, à l'âge de quatre-vingt-deux ans.
Né le 12 mars 1927 à Chascomús, dans la province de Buenos Aires, Raúl Ricardo...
-
AMÉRIQUE LATINE, économie et société
- Écrit par Jacques BRASSEUL
- 13 724 mots
- 22 médias
L'armée a une longue tradition d'intervention dans la politique et le pouvoir en Amérique latine. L'instabilité qui y a été longtemps la règle est liée à cette tradition depuis bientôt deux siècles. Comme l'opposition ne pouvait pas s'exprimer librement, faute de démocraties solides, la révolution ou... -
ARGENTINE
- Écrit par Jacques BRASSEUL , Encyclopædia Universalis , Romain GAIGNARD , Roland LABARRE , Luis MIOTTI , Carlos QUENAN , Jérémy RUBENSTEIN , Sébastien VELUT et David COPELLO
- 38 902 mots
- 18 médias
...familles des victimes et de défense des droits de l'homme, mais elle met également en évidence l'implication des corps d'armée dans leur intégralité. D'autre part, dans les casernes règne l'incompréhension la plus totale : les militaires estiment avoir gagné la guerre contre la subversion et il leur... - Afficher les 68 références