JACOBSEN ARNE (1902-1971)
Personnalité dominante de l'architecture du xxe siècle au Danemark, Jacobsen a aussi donné à ce pays une situation privilégiée dans le domaine de l'industrial design en apportant une contribution essentielle à la création d'objets utilitaires (sièges en polyester armé ou en bois lamellé et moulé avec piètement en acier ou en aluminium, couverts, pièces d'argenterie, appareils d'éclairage, motifs de tissus d'ameublement). Sans doute le rayonnement de la pensée et les premiers travaux de Le Corbusier ont-ils stimulé, ici comme ailleurs en Europe, le fonctionnalisme international. Sans doute aussi l'exposition présentée à Stockholm en 1930 par l'architecte suédois Gunnar Asplund a-t-elle joué un rôle décisif dans l'orientation de Jacobsen qui venait de remporter en 1929, c'est-à-dire deux ans après avoir reçu le diplôme d'architecte de l'académie de Copenhague, un concours portant sur la « maison de l'avenir », avec un projet visionnaire d'habitation sur plan circulaire pivotant sur un axe afin de suivre la marche du soleil, le toit-terrasse étant aménagé en héliport. Sans doute encore cette démarche — elle devait embrasser l'architecture privée, industrielle, municipale (écoles, hôtels de ville, centres sportifs), la création d'espaces verts et de zones urbaines — a-t-elle été fortement marquée par la doctrine du Bauhaus, tout en se révélant intimement sous-tendue par le fameux paradoxe de Mies van der Rohe : Less is more (« Moins, c'est plus ») ; c'est pourquoi elle vise à concevoir le fait architectural comme un objet, à vider cet objet de toute théâtralité, de toute symbolique, de toute dimension intérieure, c'est-à-dire à dégager des fonctions, à ordonner des fonctionnements pour déboucher sur l'idéologie du rangement, sur la clarté du calcul, sur le culte de la rigueur, sur un formalisme esthétique fondé sur les normes répressives de tout classicisme (ordre, harmonie, proportion, symétrie, équilibre), donc sur des concepts dictés par les notions d'unité, de statisme, d'inertie, d'inorganique, bref, sur une rationalité historiquement liée à une tradition bourgeoise et à l'industrialisation capitaliste. Dans ces perspectives, le langage manié par Jacobsen est toujours franc, mesuré, concis. Il est dominé par les sortilèges ou le poids de l'horizontalité et il est caractérisé par l'alliance ou l'alternance de processus artisanaux (brique, bois) et industriels (murs-rideaux). La maîtrise du parti (Groupe résidentiel, Klampenborg, 1933 ; maison Siesby, Sorgenfri, 1961) ou celle du détail (murs de briques jaunes achevés par un bandeau blanc), la qualité de la finition (menuiseries métalliques peintes en noir, plaques de bétons recouvertes de carreaux de céramique, vitrages teintés), les raffinements technologiques (légèreté du mur-rideau, isolation phonique, ventilation) sont autant de facteurs hérités de l'amitié que Jacobsen a nouée dès les années trente avec Asplund : ils contribuent à garantir la qualité, l'originalité poétique et la tenue (tension) dans l'espace des œuvres accomplies à partir des années cinquante (habitations individuelles à Søholm, 1950-1952 ; maison Jürgensen, Sund, 1955 ; immeuble administratif Jespersen, Copenhague, 1958 ; immeuble de la S.A.S., Copenhague, 1959 ; ensemble d'habitations Ved Bellevue Bugt, Klampenborg, 1960 ; usine Tom, Ballerup, 1961 ; hall des Sports, Landskrona, 1962).
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Écrit par
- Robert L. DELEVOY : directeur de l'École nationale supérieure d'architecture et des arts visuels, Bruxelles
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