ARNm THÉRAPEUTIQUES
Un grand nombre de maladies, génétiques en particulier mais aussi acquises, pourraient être soignées si on pouvait introduire dans l’organisme, voire dans les cellules en cause, la ou les protéines capables de corriger l’anomalie à l’origine de la maladie. Face à ce besoin, on ne dispose que d'une centaine de produits biologiques (protéines et virus recombinants) dont l’usage est autorisé. La grande majorité des protéines reste ainsi inaccessible en tant que candidat-médicament. Cela tient au fait que tous les médicaments biologiques élaborés depuis les années 1990 par la technologie dite de l’ADN recombinant sont produits par fermentation de bactéries, levures ou cellules de mammifères dans lesquelles on a introduit le gène codant la protéine thérapeutique ; l’extraction de cette dernière impose de coûteuses procédures de purification et de contrôle de qualité. Pour s’affranchir de ces contraintes, la solution consistant à produire les protéines thérapeutiques directement chez le sujet à soigner en utilisant l’ADN du gène, et surtout l’ARN messager (ARNm) codant la protéine d’intérêt, est apparue dans les années 2000 et a connu un premier succès avec les vaccins à ARNm contre la Covid-19. L’enjeu est désormais la généralisation de l’usage d’ARNm à des fins thérapeutiques.
Les avantages en seraient considérables. D’abord, l’ARNm de n'importe lequel des quelque 22 000 gènes codant les protéines du génome humain peut être rapidement transformé en médicament biologique. Un tel ARNm peut être mis au point en quelques heures ou quelques semaines seulement au laboratoire, ce qui permet d'économiser un temps précieux et des ressources de recherche et développement. Ce dernier point est particulièrement important dans le contexte du développement rapide d'une thérapeutique contre des maladies acquises, par exemple. Dans ce contexte, le développement d’une plate-forme technologique d'ARNm qui se substituerait à une partie de la production pharmaceutique classique devient une façon radicalement nouvelle de produire une classe de produits biologiques pour traiter les maladies héréditaires ou acquises. La preuve de l’efficacité des ARNm in vivo a été apportée par le succès des vaccins à ARNm. Leur plate-forme technologique peut être adaptée à des fins thérapeutiques. Déjà, la preuve de concept de l’usage d'ARNm en thérapeutique a été apportée dans le cadre préclinique d’essais sur animaux. En cas de succès dans les essais cliniques humains de phase 3 en cours, cette avancée inaugurera une méthode entièrement nouvelle de traitement médical : la biothérapie par ARN messager.
Cependant, le potentiel de cette nouvelle modalité thérapeutique suppose la résolution de plusieurs problèmes. Cela passe d’abord par l’amélioration des systèmes de délivrance capables d'introduire l'ARNm dans le cytosol à l'intérieur des cellules cibles, là où il est activement exprimé en protéine : l'utilisation de l’ARNm repose ainsi sur des technologies de vectorisation. Si la plate-forme technologique des vaccins à ARNm est un point de départ pour les développements thérapeutiques, une expression protéique forte est nécessaire pour ces dernières applications : il faut gagner un facteur de 100 à 1 000 par rapport aux vaccins. Il faut en outre ne pas induire une réponse immunitaire contre la protéine exprimée, contrairement à ce qui est recherché pour les vaccins à ARNm. Dans cet objectif, il est indispensable de délivrer des molécules d'ARNm sans induire une réaction inflammatoire délétère. De ce fait, la mise au point d’une vectorisation intracellulaire efficace des ARNm thérapeutiques contournant ces difficultés est la condition de l’exploitation du potentiel des molécules d’ARNm pour des applications autres que la vaccination[...]
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Écrit par
- Bruno PITARD : directeur de recherche CNRS, unité immunology and new concepts in immunotherapy, Nantes université
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Médias