ARNm THÉRAPEUTIQUES
Vectorisation des ARNm thérapeutiques
Les molécules d’ARNm sont fragiles, aisément dégradables ; il faut les protéger des enzymes qui les détruisent. Cette protection est réalisée d’abord en utilisant des dérivés des ribonucléotides qui les rendent moins sensibles à ces enzymes, ensuite en les associant à des édifices multimoléculaires, appelés vecteurs. Ceux-ci, en effet, doivent également permettre le passage de l’ARNm vers l’intérieur de la cellule. Ce voyage est semé d’obstacles, dont le contournement est réalisé grâce à plusieurs familles de vecteurs de comportements biologiques différents.
Stabilisation des ARNm par les lipides cationiques
Les molécules d’ARNm sont cinq fois plus petites que les molécules d’ADN plasmidique utilisées pour exprimer un gène en ARNm. Par ailleurs, elles sont chargées négativement, comme tous les acides nucléiques, mais aussi comme tout l’environnement des cellules in vivo, au niveau de la matrice extracellulaire. En outre, la taille d’une molécule d’ARNm est importante au regard de celle de la cellule dans laquelle elle doit pénétrer. Enfin, l’ARNm est de même charge électrique que la surface des cellules. Tout cela empêche, à la fois par excès de taille et par force de répulsion électrostatique, les molécules d’ARNm de pénétrer spontanément dans les cellules. C’est dans ce contexte que se développe depuis trente ans une activité de recherche visant à réduire la taille et inverser la charge des molécules d’ARNm pour les rendre compatibles avec leur internalisation. L’observation de la façon dont sont condensées les molécules d’acides nucléiques dans les noyaux cellulaires, comme dans la tête de spermatozoïdes, puis la connaissance fine de la composition lipidique des membranes cellulaires ont guidé la construction des premiers vecteurs. Ils étaient conçus selon le prototype d’une molécule lipidique synthétique chargée positivement, ce qui lui permet de condenser l’ARNm chargé négativement. La présence de chaînes d’acides gras permet d’interagir avec les lipides de la membrane cellulaire. Ces types de vecteurs ont été appelés « lipides chargés positivement, ou encore « lipides cationiques ou ionisables ».
Historiquement, cette classe de lipides cationiques a été inventée dans les années 1990 dans l’intention d’introduire de l’ADN puis des siRNA (pour smallinterferingribonucleicacid, petits ARN utilisés pour contrôler l’expression d’un gène) dans les cellules. Face à ce besoin de vecteurs adaptés, la chimie de synthèse des lipides s’est considérablement développée. La construction de l’un des plus importants de ces lipides, le lipide ionisable 1,2-dilinoleyl xy-N, N-dimethyl-3-aminopropane, a débouché sur une version optimisée, le lipide DLin-MC3-DMA, composé clé pour la vectorisation in vivo de siRNA vers le foie dans le médicament Onpattro®, qui permet de lutter contre l’amylose héréditaire à transthyrétine (premier médicament au monde à base d’ARN approuvé en 2018 par l’agence américaine du médicament, la Food and Drug Administration, FDA). Des versions améliorées de ce lipide ont ensuite abouti aux lipides SM-102 et ALC-0315, utilisés respectivement dans les vaccins à ARNm contre la Covid-19 des sociétés Moderna et BioNTech.
Ces lipides ionisables sont chargés positivement lorsque le pH du milieu est acide et deviennent neutres au pH physiologique de 7,4. L’association des lipides ionisables avec l’ARN est donc réalisée à pH acide. La neutralité du complexe lipide-ARN lorsqu’il passe à un pH physiologique, une fois injecté dans l’organisme, lui permet de disposer d’une meilleure biodistribution systémique ou tissulaire et d’une compatibilité accrue avec les environnements biologiques.
Vecteurs nanoparticulaires
L’étape suivante dans la mise au point de vecteurs efficaces a consisté en la construction[...]
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Écrit par
- Bruno PITARD : directeur de recherche CNRS, unité immunology and new concepts in immunotherapy, Nantes université
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Médias