ARNm THÉRAPEUTIQUES
Place de l’ARNm en médecine
L’émergence de l’ARNm comme plate-forme vaccinale sûre et efficace dans la course à la mise au point d’un vaccin contre la Covid-19 a démontré les bénéfices et les risques des formulations nanoparticules lipidiques-ARNm. Si une grande attention a été portée à la rapidité de fabrication, aux conditions de stockage des vaccins ainsi qu’à la correction de leurs effets secondaires, la communauté scientifique et médicale s’est aussi projetée au-delà de ces premiers vaccins pour étendre l’utilisation de l’ARN messager à des applications non seulement vaccinales mais aussi thérapeutiques. Certes, il faudra augmenter l’efficacité d’expression au moins d’un facteur 1 000 par rapport à celle obtenue pour un vaccin, pour atteindre une quantité de protéine thérapeutique efficace. Bien que ce problème ne soit pas encore complètement réglé, l’ARNm thérapeutique occupe déjà une place particulière entre la thérapie génique et le traitement par protéine recombinante. Il comporte en effet beaucoup des avantages des deux tout en répondant aux problèmes rencontrés par l’une et l’autre. Par exemple, les protéines multimériques, composées de plusieurs sous-unités, posent des problèmes techniques insurmontables quant à leur production en fermenteur, mais peuvent tout à fait être produites par les cellules du patient lui-même par un ARNm ou par une combinaison de plusieurs ARNm codant les différentes sous-unités des protéines. Pour les maladies qui nécessitent un contrôle rigoureux du niveau et de la durée d’expression de la protéine, l’ARNm offre cette possibilité grâce à la maîtrise de la quantité d’ARNm injectée, ce qui n’est pas facilement réalisable avec la thérapie génique à base d’ADN, qui opère sur le long terme avec des niveaux d’expression peu prévisibles. L’usage d’ARNm limite ainsi les effets secondaires toxiques d’une surexpression de la protéine.
La durée d’expression intrinsèquement transitoire de la protéine d’intérêt thérapeutique positionne ainsi la thérapie à ARNm comme une modalité idéale pour des situations dans lesquelles un ou peu d’épisodes d’expression de protéines thérapeutiques sont nécessaires. La capacité de doser à plusieurs reprises, de varier le dosage ou l'intervalle entre injections offre au clinicien la flexibilité d'un traitement classique. Dans le cadre de l’utilisation de l’outil d’édition CRISPR, l'expression transitoire de la machinerie d'édition de gènes à partir de l'ARNm est attrayante pour réduire les effets secondaires de la persistante expression des nucléases dans le noyau cellulaire ou de coupures non désirées de l’ADN génomique. Tout cela représente en fait un choix pertinent dans les cas pour lesquels les besoins des patients peuvent varier ou pour lesquels des hésitations peuvent apparaître par rapport à une indication de thérapie génique.
Le potentiel des thérapies par ARNm va s'étendre encore grâce à l'évaluation de protéines modifiées pour leur conférer des propriétés nouvelles ou de toutes nouvelles protéines disposant d’une longue durée d’action obtenue par fusion du domaine thérapeutique de la protéine avec un domaine augmentant sa demi-vie. Entièrement nouvelle est également la capacité d'exprimer des protéines thérapeutiques jusqu’ici inutilisables, par exemple des protéines intracellulaires ; c’est ce qui est rendu possible dans le traitement de maladies génétiques. De plus, l'expression intracellulaire d’anticorps, de fragments d'anticorps ou d'autres motifs structuraux de liaison aux protéines fournit une autre classe thérapeutique qui peut être associée à l’adressage à des domaines subcellulaires, comme le noyau ou les mitochondries, afin d’obtenir la synthèse de la protéine codée par l’ARNm là où son action[...]
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Écrit par
- Bruno PITARD : directeur de recherche CNRS, unité immunology and new concepts in immunotherapy, Nantes université
Classification
Médias