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ARNO (1949-2022)

Arno - crédits : Eric Catarina/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Arno

Qu'il chantât en anglais, en flamand ou en français, Arno était resté un Européen sans concessions, observant les singeries et délires contemporains depuis sa Belgique natale. Dans ce « sacré bâzaar » (expression qu’il affectionnait), il conseillait la perturbation. Cet auteur, compositeur et interprète s'amusait des mots et des métaphores, construisant – et déconstruisant – des chansons singulières d’une voix passée à la paille de fer.

Arnold Hintjens, dit Arno, se jetait à l'eau chaque seconde de son existence. Eau froide à l'évidence, puisqu’il est né à Ostende, sa ville phare, le 21 mai 1949. À l’âge de huit ans, il découvre Elvis Presley puis les bluesmen Lightnin’ Hopkins et Sonny Boy Williamson quelques années plus tard. Enfant du rock inspiré par la bohème beatnik, il se met à l’harmonica et part sur les routes, baroudant de Paris à Londres, d’Amsterdam à Copenhague, en passant par Essaouira et Katmandou, « une époque de roi », dira-t-il plus tard. De retour en Belgique au début des années 1970, il prend part à des groupes aux influences blues-rock comme Freckleface et Tjens-Couter – duo qu’il crée avec Paul Couter – avant de fonder TC Matic. Cette formation, dans laquelle Arno chante et joue de l’harmonica, s’affirme comme le premier groupe belge de la génération new wave et connaît une renommée internationale. Sur leur troisième album, Choco, paru en 1983, figure « Putain putain », sorte de manifeste européen, chanson scandée qu’Arno n’a jamais cessé d’interpréter sur scène, en la brandissant comme un rempart à la montée de l’extrême droite.

Artiste prolifique, le chanteur publie au cours de sa carrière seize albums sous son nom, parmi lesquels Idiots savants (1993) qui l’a fait connaître du grand public, auxquels s’ajoutent une dizaine d’opus enregistrés avec les groupes Freckleface, Tjens-Couter, TC Band, TC Matic ou pour des projets parallèles tels Charles et les Lulus ou Les Subrovnicks.

Arno n'économisait jamais l'émotion et, à ceux qui pouvaient s'effaroucher de sa voix âpre, il opposait ses recettes avec naturel : être sur la brèche, vivre à fond la révolution rock et la fronde chansonnière. Il avait gardé les traces d’un bégaiement précoce, prenant parfois des airs de timide chronique, bouche arrondie et yeux écarquillés, tics parfois accentués par une consommation d’alcool excessive. Dans l’univers d’Arno se croisaient des marins et des accros aux dancefloors, des anglicismes osés et du flamand déglingué, du spleen et de la rigolade, de l’accordéon et de la guitare électrique. Il a fait danser – « Oh la la la (c’est magnifique) », chanson de 1985 reprise sur l’album Futur Vintage en 2012 – et fait pleurer – « Les yeux de ma mère », extrait de À la française, 1995.

Le chanteur revendiquait « une démarche belge », héritée d’un pays qui a vu naître Rubens, Magritte et tout un pan du surréalisme. Sur Ostende, Arno, qui vivait à Bruxelles, était intarissable, et d’une intense poésie (« Oostende Bonsoir », qui figure sur Santeboutique, 2019). En 1995, sur À la française, il avait également repris « Comme à Ostende » de Jean-Roger Caussimon et Léo Ferré, chanson éclatée dans les brouillards existentiels, où Arno roulait ses « â », ses « r », ses râles et ses « bâzaars ». Il ne manquait d’ailleurs jamais l'occasion d'une reprise – hommages, par exemple, à l’aîné Jacques Brel, avec ses interprétations de « Voir un ami pleurer » ou « Le bon Dieu ». Et, peut-être pour contrebalancer ses penchants pour la mélancolie et la vulnérabilité du poète au passage du temps, il savait aussi en appeler au rock énergique, voire trash. Avec son amie Beverly Jo Scott, Arno offre ainsi à « La fille du père Noël » (de Dutronc et Lanzmann) et à « The Jean Genie » (de Bowie)[...]

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Arno - crédits : Eric Catarina/ Gamma-Rapho/ Getty Images

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