NEWMAN ARNOLD (1918-2006)
Avec Arnold Newman's Americans paraissait, en 1992, un who's who singulier des sphères politique et culturelle aux États-Unis : présidents et artistes s'étaient en effet soumis à la vision d'un des plus fameux portraitistes américains, le photographe Arnold Newman.
Né le 3 mars 1918 à New York, Arnold est le deuxième enfant d'Isador et Freda Newman. En 1920, la famille s'installe sur la côte est, où elle tire ses ressources de l'hôtellerie, à Atlantic City l'été, à Miami Beach l'hiver. Bon élève à l'école, le jeune Arnold montre quelque talent pour la peinture. Étudiant l'art à l'université de Miami en 1936, il doit renoncer à la bourse obtenue en 1938 pour contribuer à l'entretien des siens, et trouve un emploi auprès d'un photographe de Philadelphie. Il fréquente les disciples du designer Alexey Brodovitch, qui enseigne à la Philadelphia School of Industrial Arts, ce qui compense l'abandon prématuré de ses études et encourage ses premières recherches personnelles en photographie.
Arnold Newman travaille beaucoup et bien, aussi lui propose-t-on, dès 1939, de diriger un studio à West Palm Beach, en Floride. Les responsabilités qu'il prend alors stimulent le jeune homme, qui réalise à partir de portraits des collages, ou outcuts. Beaumont Newhall, directeur du nouveau département Photographie au Museum of Modern Art de New York, remarque Newman et le présente à Stieglitz. Grâce à Newhall, Arnold Newman partage avec Ben Rose, ami d'enfance lui aussi devenu photographe, l'opportunité d'une première exposition à la galerie A. D. de Manhattan.
Cette reconnaissance artistique ne le détourne pas de ses ambitions commerciales. À vingt-trois ans, il ouvre son propre studio à Miami Beach, tout en profitant de séjours à New York pour enrichir sa production de portraits d'artistes en vue. Le Philadelphia Museum of Art l'expose en 1944 ; première consécration, What Artists Look Like marque aussi le commencement de la réussite financière. Deux ans plus tard, l'activité publicitaire de Newman le conduit à ouvrir à Manhattan son studio, sur la 67e rue. Sollicité par des magazines aussi prestigieux que Harper's Bazaar, Life ou Fortune, le photographe voit son succès lui ouvrir les portes du monde politique, d'où une série de portraits des membres du conseil du président Truman, et l'effigie du général Eisenhower. La presse devient bientôt pour lui un territoire privilégié, avec une suite de commandes pour Portfolio, Holiday, Travel and Leisure et Town and Country. En 1954, avec sa femme Augusta et leurs deux garçons, Newman entreprend un premier périple européen, qui lui permet d'élargir sa collection de portraits de célébrités. Plusieurs voyages le conduiront à traverser l'Atlantique, pour se rendre aussi en Afrique, où il photographie, en 1958, officiels occidentaux et chefs de tribus.
S'il accepte toujours les commandes de rapports annuels et de reportages de fond, Newman doit son indiscutable notoriété à son talent de portraitiste. Son invention toujours renouvelée se fonde sur sa capacité à puiser du sens dans le décor ou l'accessoire, sans jamais sacrifier le modèle lui-même. En témoigne le très célèbre portrait d'Igor Stravinski (1946), qui, relégué dans l'angle inférieur droit, habite pourtant l'image quand son piano en occupe les deux tiers. Ou le visage, saisi dans un éclairage expressionniste et sur fond de machines, de l'industriel allemand Alfred Krupp (1963) dans les aciéries familiales, à Essen.
L'emploi relativement tardif de la couleur est plutôt réservé aux grands reportages, sur l'Italie en 1962 et 1966, sur l'Espagne en 1964, sur l'Irlande et l'Angleterre en 1972 et 1973, et surtout sur Israël de 1967 à 1985. L'apport d'une couleur descriptive souligne par ailleurs[...]
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Écrit par
- Hervé LE GOFF : professeur d'histoire de la photographie, critique
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