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SCHÖNBERG ARNOLD (1874-1951)

La période américaine

Il passe son premier hiver américain entre Boston et New York, où se trouvent ses deux postes d'enseignant, mais il ne supporte pas le climat, et dès l'automne de 1934 il s'installe sous des cieux plus cléments, à Los Angeles, où il sera nommé professeur de composition à l'université de Californie (U.C.L.A.) en 1936. Cette année-là, après quatre années de création plus détendue (dont datent cependant les œuvres tonales, savoureuses et trop peu connues, que sont la Suite en sol et les deux Concertos d'après Monn et Haendel, ce dernier une manière de chef-d'œuvre), il achève deux des pages maîtresses du dodécaphonisme « classique » : le Quatrième Quatuor et le Concerto pour violon. Fixé à Hollywood, il se lie d'amitié avec Gershwin, son partenaire au tennis, dont il admire beaucoup la musique, et il acquiert la citoyenneté américaine en 1941. Il alterne à présent les œuvres tonales et dodécaphoniques, achevant même sa Deuxième Symphonie de chambre trente-trois ans après l'avoir commencée. Un certain académisme se fait jour parfois, cependant que la frontière entre tonal et atonal (l'alternative si comiquement posée dans la deuxième des Satires de 1926 !) s'estompe : l'Ode à Napoléon, ou même le Concerto pour piano, dodécaphoniques, sont moins dissonants et moins tendus que les Variations pour orgue, qui sont tonales.

Atteint par la limite d'âge, Schönberg est mis à la retraite en 1944, avec une pension dérisoire ; alors que sa santé se dégrade fortement, il doit continuer à donner des leçons particulières pour survivre. Le 2 août 1946, crise cardiaque très grave, et même presque fatale : cliniquement mort pendant une minute ou deux, il ne « ressuscite » que grâce à une piqûre en plein cœur. Cette résurrection est foudroyante : quelques semaines plus tard, il a achevé le chef-d'œuvre de sa vieillesse, peut-être même son chef-d'œuvre tout court : le prodigieux Trio à cordes opus 45, son ouvrage le plus audacieux et le plus « avancé », retrouvant la flamme révolutionnaire de sa jeunesse. Depuis 1923, il n'avait appliqué l'écriture dodécaphonique qu'aux formes classico-romantiques reprises, à peine modifiées, de Brahms ; et l'incompatibilité foncière entre ces formes à thèmes et à développements et l'absence des tensions et des relations tonales ne va pas sans poser de graves problèmes d'ordre esthétique qui nuisent souvent à leur parfaite réussite (une œuvre dramatique comme Moïse et Aaron échappe évidemment à ce genre de réserves). Or, avec le Trio, Schönberg franchit le pas d'une libération formelle complète, il retrouve la coulée unitaire de ses premières grandes œuvres, tout en faisant appel à des techniques sonores inouïes.

La dernière de ses partitions instrumentales, la Fantaisie pour violon et piano, confirme cette liberté et cette jeunesse retrouvées. Et cette « fin en beauté » culmine dans les dernières grandes pages chorales, toutes consacrées à la proclamation de son identité juive enfin reconquise : le bouleversant Survivant de Varsovie, ce cri de six minutes qui est la plus grande page politique du xxe siècle, par un homme qui se voulait apolitique, mais c'est encore une fois la victoire de l'esprit qu'elle proclame, et le dernier triptyque, celui de l'opus 50. Un premier volet célèbre le retour du Peuple élu à Jérusalem, le deuxième élabore le texte hébreu du De profundis (psaume 130) en une extraordinaire mêlée de chanté et de parlé, le troisième, enfin, fait appel une dernière fois à l'orchestre, et met en musique le premier des seize textes que Schönberg avait écrits à cette époque dans l'esprit psalmique, et qu'il avait d'ailleurs intitulés Psaumes modernes. Celui-ci traite de la prière, unique moyen[...]

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Arnold Schönberg - crédits : L. Hassel/ Age Fotostock

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