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VAN GENNEP ARNOLD (1873-1957)

Il suffirait à la gloire d'Arnold Van Gennep d'être l'auteur de l'ouvrage Les Rites de passage. Mais il fut paradoxalement l'homme d'un seul livre et l'auteur d'une œuvre innombrable. Sans ses travaux méthodiques, en effet, l'ethnographie de la France n'existerait pas. Sur les matériaux collectés au hasard par les folkloristes du xixe siècle, il se livra à un travail comparable à celui de Linné en botanique, travail auquel sa théorie des rites de passage servit de principe classificateur. On voit, en outre, dans le filigrane de son œuvre, les contours des théories modernes de l'anthropologie, qui apparaissent à maintes reprises sous la forme d'ébauches thématiques et spéculatives.

D'une formation inhabituelle aux études sur le totémisme

En dépit de l'importance de son œuvre, Van Gennep resta toujours en marge de l'Université française, qui ne lui accorda jamais de place en son sein. Dès ses années d'études et de primes recherches, il refusa de s'inféoder à l'école sociologique française qui, avec Émile Durkheim, tenait alors le haut du pavé.

Il est né à Ludwigsburg, en Allemagne, d'un père descendant d'émigrés français. Sa mère, divorcée alors qu'il avait six ans, revint en France avec lui et épousa un laryngologue qui exerçait, l'été, à la station thermale de Challes-les-Eaux. C'est de cette époque que date son attachement pour la Savoie, qu'il considéra comme sa patrie d'adoption et qu'il parcourut entièrement, commune après commune. Sa formation universitaire ne devait pas passer par la Sorbonne, qui n'offrait pas d'aliments suffisants à son appétit de savoir. Il apprit l'arabe à l'École des langues orientales, la linguistique générale, l'égyptologie, l'arabe ancien à la section des sciences historiques et philologiques de l'École pratique des hautes études, et les religions des peuples non civilisés et islamiques à la section des sciences religieuses de cette même institution. À cette formation inhabituelle concourut le don hors du commun qu'il avait pour les langues. Connaissant six langues dès sa jeunesse, il était capable d'en acquérir d'autres appartenant à la même famille linguistique, passant par exemple sans difficulté du polonais au russe. Comme peu de gens à cette époque, il était averti de la richesse culturelle que constituent la variété et la diversité linguistiques. Après avoir passé sept années au ministère de l'Agriculture comme chef des traductions, il abandonne ce poste pour se consacrer à ses travaux de recherche personnels, assurant sa subsistance et celle de sa famille grâce à des chroniques régulières (au Mercure de France et à la Revue des idées principalement), à des traductions et à des conférences. Dès lors, sa vie se confond totalement avec son œuvre. Il le reconnaît lui-même en 1912 : « Faire des recherches d'ethnographie et de folklore, ce n'est déjà plus un travail, ou une occupation, ou une distraction : c'est une nécessité organique, à laquelle je dois céder sous peine d'être, sinon malade, du moins déséquilibré de ma vie normale. »

Avant la publication de l'ouvrage capital que sont Les Rites de passage en 1909, Van Gennep est préoccupé, comme les sociologues de son temps, par les problèmes posés à l'origine par l'école anthropologique anglaise : le totémisme en tout premier lieu, et aussi les formes originelles de la religion, le tabou, les rapports du mythe et du rite, la magie. Cette période de son œuvre est définitivement close avec son livre L'État actuel du problème totémique, étude critique des théories sur les origines de la religion et de l'organisation sociale (1920), qui se voulait un bilan provisoire des travaux sur le totémisme, mais[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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