VAN GENNEP ARNOLD (1873-1957)
Les travaux sur le folklore de la France
À partir de 1922, Van Gennep se consacre entièrement à l' ethnographie et au folklore de la France. Sans doute serait-il malvenu d'émettre un regret lorsqu'on mesure l'accumulation de matériaux et l'outil incomparable de travail que sont les six grandes monographies régionales et le Manuel de folklore français contemporain, sans parler d'articles nombreux. Il faut cependant avouer que, pris par l'urgence de la tâche à accomplir, Van Gennep ne manifeste plus, dans cette seconde partie de son œuvre, autant d'esprit d'invention et de curiosité, autant d'intérêts « tous azimuts ». Il dispose, en effet, d'un schéma qui lui permet d'introduire un ordre et une intelligibilité dans la complexité des faits : le schéma des rites de passage. Il met cependant au jour des problèmes dignes d'intérêt. Celui des zones folkloriques le préoccupe à partir de 1930 environ.
L'exigence, qui est la sienne, de localisation géographique des matériaux permet de faire apparaître des zones de présence ou d'absence d'un fait ou d'un groupe de faits folkloriques, à l'intérieur d'une région plus ou moins vaste (du territoire français tout entier à un canton particulier). Aucun principe d'explication hétérogène à l'ethnographie et au folklore ne s'applique à ces zones, qu'il soit de nature géographique, économique, historique, politique ou linguistique. Elles possèdent donc une autonomie de formation et d'évolution. « Le report sur cartes fait surgir des problèmes dont mes prédécesseurs n'avaient même pas l'idée. Déjà un fait général se dégage, à savoir : que les phénomènes collectifs dits folkloriques évoluent dans un plan autonome qui est indépendant de la géographie, de l'organisation politique, de l'organisation diocésaine, de la différenciation économique, du dialecte, et qu'ils obéissent à des lois que sommairement on peut sans doute nommer sociologiques, bien que nuancées singulièrement. »
Dès 1930, Van Gennep affirmait que le folklore était une science autonome, dont il reste à découvrir et à formuler les lois. Et à la loi des rites de passage il proposait d'ajouter la loi des zones folkloriques. Mais il ne découvrira pas les lois de formation des zones folkloriques, à supposer qu'on puisse les mettre au jour. Il se contentera d'en déceler l'existence, de les repérer.
On voit ainsi combien cette œuvre si riche abonde en idées neuves, mais aussi en pistes de recherche qu'on peut emprunter en toute confiance, certain de cheminer dans des régions fertiles. Van Gennep a toujours manifesté ce qu'il faut véritablement appeler de la foi envers l'ethnologie, ses capacités de s'affirmer comme science et science autonome, son avenir (« Si le xixe siècle, disait-il, a été le siècle des sciences historiques, le xxe siècle sera celui des sciences ethnographiques »). L'ethnologie dispose, en effet, comme la biologie d'un laboratoire « immense et presque infini : il comprend tous les groupements humains, éparpillés à la surface de la terre tout entière ».
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Écrit par
- Nicole BELMONT : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
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