Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

WESKER ARNOLD (1932-2016)

Arnold Wesker est né à Londres le 24 mai 1932. Fils d'un petit tailleur juif de l'East End, il devient homme de théâtre presque par hasard, après avoir vu, en 1956, la pièce d'Osborne, La Paix du dimanche (Look Back in Anger). Un outil, une arme, voilà ce dont il s'empare, avec l'aide du Royal Court et du metteur en scène John Dexter. Il veut donner la parole au malaise de sa génération démobilisée à la fois par les promesses du Welfare State et par les événements de Hongrie. Ce sont ses propres expériences professionnelles, sa propre famille, qu'il mettra d'abord en scène. Ronnie est le héros commun à trois pièces qui forment un triptyque, trois leçons d'un « roman d'apprentissage » : La Soupe de poulet à l'orge (ChickenSoupwithBarley, 1958) ; Racines (Roots, 1959) ; Je parle de Jérusalem (I'mTalking about Jerusalem, 1960). Comme Wesker, Ronnie a une mère juive, chaleureuse, enthousiaste, militante communiste, et dépassée par les événements ; comme lui, il part en tant que cuisinier à Paris et rêve d'un monde meilleur. Dans Je parle de Jérusalem, il se retire dans une vieille ferme avec la femme qu'il aime : expérience utopique à la William Morris, qui se soldera par un échec.

La première pièce de Wesker à être connue en France fut La Cuisine (The Kitchen, 1959), montée par Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil en 1966, dans l'ancien cirque Médrano. Sans un accessoire, le ballet mécanique de la préparation des repas dans une grande cuisine de restaurant se déroulait avec une vérité hallucinante. Ainsi épuré, stylisé, le naturalisme de Wesker donne toute sa mesure et offre une vision sans concession des relations sociales. Pourquoi une cuisine ? Parce que pour Wesker, c'est un microcosme, comme le sera l'armée dans Des frites, des frites, des frites (Chips withEverything, 1962) : « Cette saleté de cuisine est comme le monde », ou encore « La vie civile, la vie militaire, c'est du pareil au même. » Par le jeu des affrontements dramatiques, Wesker dénonce les relations d'autorité et l'abrutissement des classes qui ne meurent plus de faim mais vivent dans des relents de graisse frite qui feraient horreur aux bourgeois des beaux quartiers : « Vous faites des mômes, vous bouffez des frites, et vous faites ce qu'on vous dit de faire. » La solution pour lui ? Il prêche, non sans naïveté, le retour à « une véritable culture enracinée dans le peuple » : Wesker est un idéaliste qui prêche le matérialisme.

Les qualités dramatiques de Wesker sont inséparables de ses défauts. Sa langue, qu'il veut populaire, n'échappe pas toujours aux stéréotypes. Il n'apprend que peu à peu les contraintes de l'écriture dramatique. Il aime prendre tout son temps pour raconter une histoire, montrer le passé qui explique le présent, il aimerait que ses pièces commencent par « il était une fois ». Emporté par le message, il tombe parfois dans l'allégorie, comme avec Les Quatre Saisons (The Four Seasons, 1965), mais il a plutôt tendance à oublier que le théâtre est le domaine du faire-semblant, tant pour lui le sens du concret est une valeur morale, politique, ce qui va jusqu'au culte presque fétichiste de la chose bien faite : il fournit la partition quand il doit y avoir chanson, la recette de cuisine quand il doit y avoir gâteau. De l'utopie qu'est pour lui le lieu théâtral – un lieu où l'on montre ce qui pourrait être fait – il a tenté de passer à l'utopie pratique, vécue, en cherchant à fonder une communauté pour artistes, le Centre 42, qui a connu les difficultés habituelles, financières et idéologiques.

Les années 1970, au climat plus sophistiqué, plus cynique, ne seront pas favorables à Wesker : sa pièce The Friends, qu'il met en scène lui-même en 1970, est un[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par , , , , , et
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    ...un collage éblouissant de vers libres, de vers de mirliton, de comptines, de répliques de mélo, de textes juridiques et parlementaires, etc. À Londres même, dans le East End, Arnold Wesker devient l'administrateur du Centre 42, dont le but était de fournir des spectacles lors des fêtes ouvrières.
  • PINTER HAROLD (1930-2008)

    • Écrit par
    • 2 295 mots
    • 2 médias
    ...genres : le théâtre dit de l' Absurde et un genre spécifiquement britannique, le néo-naturalisme de l'école de la Cuisine – d'après La Cuisine d' Arnold Wesker. Pour des auteurs comme Wesker, la peinture réaliste d'un cadre de vie et d'un langage est le véhicule d'une réflexion sociale ou politique...