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RAINER ARNULF (1929- )

Peintre autrichien né en 1929 à Baden près de Vienne, littérairement formé par ses lectures d'Artaud, de Georges Bataille et de Cioran, Rainer a commencé de 1949 à 1951 à peindre de manière informelle, selon des procédés automatiques, proches de l'automatisme surréaliste. Mais, déçu par sa rencontre avec André Breton, qui eut lieu pendant le voyage qu'il fit à Paris au début des années 1950, et constamment animé par un désir cathartique d'annihilation de tout discours, il s'est défini comme un artiste qui « peint pour quitter la peinture », sinon pour anéantir l'art lui-même. En 1951 à Vienne, lors du vernissage d'une exposition de ses œuvres, il a insulté ses invités : ce ne serait qu'une anecdote si l'on ne saisissait qu'il peint aussi pour insulter l'image, l'identité de ce qu'il peint (y compris la sienne, quand il peint, avec rage, sur la photographie de son propre visage dans la série Face Farces, 1969-1973).

Proche d'artistes comme Emilio Vedova et Ad Reinhardt, qui ont joué presque exclusivement de la couleur noire, Rainer fut, par son comportement autant que par ses œuvres, le maître admiré d'artistes d'avant-garde comme Hermann Nitsch et Rudolf Schwarzkogler, qui ont pratiqué l'art du happening jusqu'au sang et à l'autodestruction physique. Il ne peint pas des tableaux noirs, il les recouvre totalement ou en partie d'un noir de suie gluant, où il y a des éclats, une sorte de poil hirsute et des déchirures. « Dessins aveugles » (Blindmalerei), « peintures recouvertes » (Übermalungen), « photos recouvertes » ou « peintures gestuelles » dès 1952, ce sont, chaque fois, des œuvres intentionnellement chaotiques, véhémentes sinon hargneuses, où la passion d'atteindre par la peinture quelque chose qui ne s'atteint que rarement par l'esprit envahit tout, déborde tout. Dans ses peintures gestuelles des années 1970, il a violemment réagi à la mode de l'art minimal et de l'art conceptuel, alors dominante.

Arnulf Rainer s'est intéressé très tôt, comme les surréalistes et Jean Dubuffet, à l'expression des malades mentaux, et plus particulièrement aux dessins des catatoniques, qui ne s'expriment jamais par les mots, s'enferment la plupart du temps dans le théâtre intérieur de l'autisme. À partir de 1963, il commence une collection d’art brut composée d’œuvres sur papier de malades mentaux et de marginaux. Ce qu'il apprécie le plus, dans l'expression des aliénés, c'est « un art sans couverture pseudo-sociale » et, dans certaines de ses œuvres, tout se passe comme s'il voulait non seulement se dérober au narcissisme du spectateur, mais récuser en bloc la fonction spectaculaire de tout art.

Le critique d'art Johannes Gaschang a comparé sa démarche à celle d’Alberto Giacometti, qui était en effet toujours insatisfait par ses œuvres et ne les considérait jamais comme achevées. Mais Giacometti tentait de capter l'espace existant entre les hommes et les choses, la réalité même des corps, des visages réels. Rainer, lui, tente de capter quelque chose qui échappe à toute définition spatiale : combat utopique, où il y a du mysticisme et de la mystification volontaire, qui apparente cette œuvre à un suicide perpétuellement différé, perpétuellement simulé pour être différé. Il n'est donc pas étonnant qu'un prélat, Mgr Mauer, attaché à la cathédrale Saint-Étienne de Vienne, se soit particulièrement intéressé à son œuvre, comme le père Couturier ou le père Laval ont pu le faire en France auprès de certains artistes, et d'Antonin Artaud : les exercices de destruction symbolique de Rainer peuvent être interprétés comme une quête de la vérité, en même temps qu'ils sont à ses yeux, comme toutes les œuvres d'art, « des concessions à notre[...]

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