AROMATICITÉ
Peu de notions sont aussi fondamentales et aussi souvent utilisées que celle d'aromaticité ; cependant c'est une des moins claires et des plus difficiles à préciser. Elle tire son origine de faits chimiques qui font apparaître d'étroites parentés entre certaines molécules.
Ce fut Kekulé qui, le premier, reconnut, il y a plus de cent ans, une analogie entre diverses substances extraites d'huiles naturelles : l'aldéhyde benzoïque, le toluène, l'acide benzoïque, l'alcool benzylique auxquels vinrent bientôt s'ajouter le benzène, le phénol, l'aniline, l'acide salicylique et le cymène. Ces molécules possèdent toutes, en effet, un système insaturé contenant six atomes de carbone qui résistent aux transformations et aux dégradations chimiques, à condition qu'elles ne soient pas trop brutales. On peut, par exemple, remplacer des atomes ou des groupements d'atomes portés par ce système, sans l'altérer (réactions de substitution) ; on peut aussi oxyder ces molécules sans les détruire. D'autre part, étant insaturé, il est capable de fixer trois molécules d'hydrogène ou de chlore, mais ces additions se font sur l'ensemble du système des six atomes en une seule étape, sans qu'il soit possible de mettre en évidence des produits d'addition partielle correspondant à la fixation de une ou deux molécules seulement. Ce fait renforce encore le caractère très particulier de ce système de six atomes de carbone, faisant de lui un tout homogène que l'on appelle le système benzénique. Ces mêmes propriétés se rencontrent, à des degrés variables d'ailleurs, dans les carbures à noyaux condensés, comme le naphtalène ou l'anthracène et aussi dans les molécules cycliques contenant des hétéroatomes comme la pyridine, le pyrrole, le furanne ou le thiophène. Mais si dans ces molécules la stabilité et la résistance à l'oxydation sont encore grandes, si des réactions de substitution peuvent encore se produire sans altérer le système insaturé, ce dernier ne forme plus un tout aussi homogène que dans le benzène, car on peut isoler plusieurs produits intermédiaires dans l'hydrogénation ou la fixation d'halogènes, ou réaliser des additions diéniques qui fragmentent le système initial.
C'est cet ensemble de propriétés, communes à toutes ces molécules, qui les a fait grouper sous la dénomination d'aromatiques, rappelant ainsi l'origine des premières molécules pour lesquelles ce caractère fut reconnu. Mais il a fallu attendre le développement de la chimie quantique pour arriver à comprendre la raison profonde qui lie ces molécules entre elles.
Structure électronique des molécules aromatiques
Avant d'aborder le problème de la structure des molécules aromatiques elles-mêmes, il est nécessaire de rappeler quelques résultats généraux obtenus par la mécanique ondulatoire dans l'interprétation de la liaison chimique.
Dans un atome, les électrons ne peuvent avoir une énergie arbitraire, mais se placent au contraire sur des niveaux atomiques auxquels correspondent des énergies et des fonctions d'onde d'espace, appelées orbitales atomiques, bien déterminées. L'électron étant aussi caractérisé par une variable de spin qui, par rapport à une direction donnée, ne peut prendre que deux valeurs opposées, sur chaque niveau nous ne pourrons placer que 0, 1 ou 2 électrons, les deux électrons, dans ce dernier cas, correspondant à des valeurs de spin opposées. Enfin le carré du module de la fonction d'onde donne la densité électronique en chaque point. Le problème de la molécule ne diffère de celui de l'atome que par le fait que la charge positive, autour de laquelle gravitent les électrons, n'est pas ponctuelle, mais est répartie sur plusieurs centres : les noyaux des atomes. La description d'une molécule[...]
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Écrit par
- André JULG : professeur émérite à l'université de Provence
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