ARS NOVA
Les formes
Parmi les formes héritées de l' école de Notre-Dame, certaines disparurent peu à peu au cours du xive siècle, d'autres se transformèrent ; enfin des formes nouvelles naquirent.
Nous avons défini ci-dessus la technique du motet isorythmique ; il nous faut revenir sur la forme motet et en retracer l'évolution.
Le motet (étymologiquement, petit mot, motetus, motulus) est né au xiiie siècle de l'adaptation de parole aux longues vocalises des organa (selon le même processus qui vit naître à l'époque carolingienne tropes et séquences de l'adaptation de textes aux jubilations alléluiatiques du chant grégorien). L'organum était construit sur une « teneur » liturgique, d'abord présentée en valeurs longues, valeurs qui allaient ensuite en se rétrécissant tandis qu'évoluaient souplement les autres voix (une, deux ou trois), échangeant motifs mélodiques et rythmiques. L'usage des modes rythmiques conférait à ce genre de composition une extraordinaire unité. Mais les longs mélismes des voix du déchant éprouvaient les chanteurs ; l'adaptation de paroles leur simplifia la tâche. Quand déclina le genre organum que Pérotin le Grand avait porté à son apogée, ce fut tout naturellement le motet qui lui succéda. La teneur liturgique de l'organum d'autre part, en s'animant progressivement, acquérait un rythme plus accusé ; ce rythme en s'organisant en périodes régulières allait entraîner l'apparition de l'isorythmie.
La grande originalité du motet fut que les textes surajoutés pouvaient n'avoir aucun rapport avec le texte liturgique de base. On en arriva même à superposer des textes différents, les uns profanes, les autres religieux, les uns en français, les autres en latin, accusant par là même le caractère indépendant, individuel de chaque ligne mélodique. Ainsi rencontre-t-on des motets profanes à côté des motets sacrés.
Avec l'ars nova, le motet ne s'amplifie pas seulement dans sa forme, mais aussi dans son esprit. Van den Borren a pertinemment défini cette évolution : « Le motet n'est plus à l'époque de Philippe de Vitry et Guillaume de Machaut ce qu'il était au siècle de Saint Louis. L'intime concentré religieux ou le candide divertissement profane en quoi il consistait alors ont fait place à une composition de vaste envergure dont le texte ou plutôt les textes ne sont plus d'humbles prières à la Vierge ou d'aimables pastourelles, mais des poèmes religieux, moraux, politiques, satiriques dans lesquels la vie du siècle est évoquée à grands traits en vers français ou latins dont le style marque un renversement complet par rapport à celui de l'ars antiqua. »
Un autre genre de composition en honneur au xiiie siècle était le conduit (conductus). Il diffère de l'organum en ce que son tenor n'est plus liturgique, mais laissé à l'imagination du compositeur et, ce qui est encore plus important, en ce que les autres voix adoptent le rythme de la voix principale. Au cours de son évolution le conduit tendra vers le contrepoint, note contre note ; si le tenor est syllabique, les autres voix le seront aussi, créant une polyphonie homorythmique. Dans le conduit d'ailleurs, à la différence du motet, toutes les voix chantaient le même texte.
Ce genre n'est plus pratiqué par les musiciens de l'ars nova ; mais il méritait d'être mentionné ici, car c'est manifestement le style du conduit qui a influencé certains fragments de messes polyphoniques au xive siècle, notamment le gloria et le credo de la Messe de Machaut.
Considérons maintenant la messe polyphonique, cette grande innovation des musiciens du xive siècle.
La première messe polyphonique de l'histoire semble être la Messe dite de Tournai, parce que le manuscrit figure aux archives de la cathédrale de cette[...]
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Écrit par
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