ART, Yasmina Reza Fiche de lecture

« Art » est une pièce de théâtre de Yasmina Reza. Créée le 28 octobre 1994 à la Comédie des Champs-Élysées dans une mise en scène de Patrice Kerbrat, avec Pierre Vaneck, Fabrice Lucchini et Pierre Arditi, elle obtient aussitôt un grand succès critique et public, et reçoit plusieurs récompenses, dont deux molières. Rejouée à de multiples reprises en France, elle a été traduite et montée dans de nombreux pays, assurant à l'auteure une renommée internationale.

« Mon ami Serge a acheté un tableau »

La pièce ne comporte ni acte ni scène. Elle se décompose néanmoins en dix-sept séquences, de longueurs inégales. Elle met aux prises trois amis de quinze ans : Serge, dermatologue aisé qui se pique d'art contemporain ; Marc, ingénieur en aéronautique, misanthrope en conflit avec son temps ; Yvan, marginal et bohème sur le point d'épouser une fille de bonne famille, et qui vient enfin de trouver un emploi stable de représentant dans une papeterie en gros. L'action se déroule dans un unique décor, un salon, « le plus dépouillé, le plus neutre possible », censé illustrer successivement les appartements de Serge, d'Yvan et de Marc.

L'achat par Serge, pour 200 000 francs, d'un tableau monochrome blanc, œuvre d'un artiste contemporain coté – Antrios – déclenche la colère de Marc. Celui-ci rapporte le fait à leur ami commun, Yvan, le prenant à témoin de l'absurdité d'une telle acquisition, et s'agace de la tolérance de ce dernier (« Si ça lui fait plaisir »). Plus tard, Serge montre le tableau à Yvan, et se plaint de l'attitude rigide et indélicate de Marc. À nouveau en compagnie de Marc, Yvan tente maladroitement et sans grande conviction de justifier l'achat de Serge. Marc se reproche son intransigeance et prend la résolution d'être plus conciliant.

Chez Serge, Marc et Serge attendent Yvan qui doit les rejoindre pour aller au restaurant et au cinéma. Marc demande à revoir le tableau, et fait mine de s'y intéresser. Ce faisant, il adopte un ton « douceâtre » qui déplaît à Serge. Arrivée d'Yvan, très en retard, qui se lance dans un long monologue tragicomique à propos de l'organisation de son mariage et de l'impossible entente entre les divers membres de la famille. Nouvel échange autour du tableau et des termes « pompeux » utilisés par Serge : « artiste », « chef-d'œuvre », « modernissime »... Yvan tente d'éviter la querelle, mais ses efforts se retournent contre lui. Devant son refus de prendre parti, Marc s'emporte et le traite de lâche.

Peu à peu, l'objet du débat se recentre sur le sens même de leur amitié. Serge exprime son regret non seulement que Marc ne puisse admettre qu'il aime sincèrement (et non par snobisme) le tableau, mais surtout que celui-ci n’ait pas craint de le blesser. Pour le lui faire comprendre, il lui révèle ce qu'il pense réellement de sa femme, Paula – « laide, rugueuse, et sans charme » –, ce qu'il ne lui a jamais dit, par amitié précisément. Comme au jeu de la vérité, les voiles tombent les uns après les autres. Marc et Serge en viennent brièvement aux mains, Yvan tente de s'interposer et prend un coup malencontreux. À présent, le véritable enjeu de la dispute entre Marc et Serge apparaît : le premier ne peut cacher son dépit de ne plus être le mentor du second. La déclaration faite, la violence retombe brusquement. En silence, Serge va chercher le tableau et propose à Marc de dessiner dessus avec un des marqueurs d'Yvan. Marc s'exécute, et représente un skieur sur une pente.

Quelques jours plus tard, devant Yvan, Marc et Serge entreprennent d'effacer le dessin avec une éponge. Marc et Serge se sont mis d'accord, afin de tenter de se réconcilier, sur une « période d'essai ». Serge prétend qu'il ne savait pas que les[...]